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IV.

Les anges l’applaudirent, et vite il étendit les ailes; du haut du ciel, rapide comme l’éclair, descendit Fange, et les mères ici-bas tressaillirent de bonheur, et les crèches s’ouvrirent partout où passa l’ange des petits enfans.


M. Sainte-Beuve, qui a bien voulu accepter la dédicace de ces vers, a-t-il eu tort d’écrire à l’auteur que son ange des crèches et des petits enfans, dans sa tristesse céleste, ne serait pas désavoué par les anges de Klopstock ni par celui de M. de Vigny? Non certes; le poète des Consolations n’est pas de ceux qui, pour flatter un écrivain, accumulent sans façon tous les noms de l’histoire littéraire. Le rapprochement qu’il indique frappera tous les esprits. Il y a quelque chose de l’Abbadona de Klopstock et de l’Eloa de M. de Vigny dans le Serafin amistous de M. Roumanille. Ajoutons seulement le trait qui le distingue de ses frères : Eloa, Abbadona, sont des habitans de l’espace infini, et ils planent à l’aise au sein des profondeurs. Le bel ange des crèches n’apparaît qu’un instant dans le mystique azur, et l’attitude où le poète a voulu fixer pour nous son image, c’est lorsqu’il pleure, incliné vers le séjour des humains, c’est lorsque, rasant la terre de son aile, il y sème partout des berceaux pour les enfans du pauvre.

La pièce des Crèches est une des plus belles que renferme le recueil des Provençales. Je citerai encore, dans le même ordre d’idées, les Deux Séraphins, touchant dialogue de deux anges agenouillés et pleurant auprès de la crèche de l’enfant Jésus. Un poète allemand, M. Maurice Hartmann, qui visitait le midi peu de temps après la publication du recueil dont nous parlons, traduisit ce dialogue en beaux vers pour les compatriotes de Klopstock et d’Uhland. Pauvreté et Charité est aussi une pièce à signaler pour la tendresse des sentimens et la grâce du langage. Eh bien! ce poète si gracieux et si tendre, c’est le même qui contera tant de récits où pétille la verve provençale. Les plus vives expressions populaires, les proverbes du cru, les métaphores du terroir, tout ce qu’il y a d’inattendu, de prime-sautier dans ce langage, que façonnent à leur gré des imaginations naïves, il a recueilli tout cela, et il sait l’employer en artiste, il annonçait déjà cette disposition d’esprit dans ses Margarideto ; il y revient avec plus d’assurance dans maintes pièces des Provençales.

Un de ces contes populaires, que nous citons de préférence, parce que tous les tons y sont mêlés avec art, et que le récit, commencé en riant, finit par des accens tragiques, c’est celui qu’il a intitulé : Se nen fasiam un avouca ! Le métayer Sauvaire a du souci; son fils