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journaux qui défendent la législation actuelle, et qui ont continué le débat malgré la note du Moni/eur, ont donc mieux compris la vraie portée de cet avis officiel que ceux qui y ont cherché un prétexte nouveau d’abstention. Pourquoi cette timidité empressée à rétrécir les franchises qui nous sont laissées en fait, lorsque de si grands intérêts moraux, matériels, patriotiques, nous commandent au contraire de réunir tous nos efforts pour obtenir par des voies légitimes la consécration légale de ces franchises ?

Nous ne songeons point en ce moment à embrasser l’ensemble de la controverse que vient de soulever la question de la presse. Notre ambition est plus simple. Cette controverse est nouvelle, et, comme il arrive au commencement de toutes les polémiques, il y règne une certaine confusion d’idées qui engendre de regrettables méprises. Le service qu’il y aurait à rendre aujourd’hui serait de débrouiller cette confusion d’idées et de redresser au moins quelques-unes de ces méprises. Parmi les partisans de la législation actuelle, on semble croire que c’est la question de la liberté absolue de la presse qui s’agite en ce moment ; Ton prête à ceux qui demandent des améliorations la pensée que le décret de 1852 ne constituerait point un régime légal et durable ; l’on établit entre ce décret et le suffrage universel une étroite corrélation qui n’est point démontrée. D’autres apologistes vont jusqu’à chercher, non-seulement dans notre histoire, mais dans celle d’un peuple voisin, des précédens et des exemples entièrement inapplicables à la situation présente de la presse en France. Nous allons passer rapidement en revue ces confusions et ces erreurs. Avant tout. Ton se tromperait si l’on croyait que c’est la question proprement dite de la liberté de la presse qui s’est posée récemment. La question de la liberté de la presse est bien plus large que celle qui est aujourd’hui l’objet des réclamations des journaux. La question de la liberté de la presse entraînerait la discussion de toute la législation organique, préventive et pénale, qui régit les écrits périodiques et non périodiques : il y aurait certes beaucoup à dire sur l’ensemble et les détails de cette législation, et il y aurait beaucoup à faire pour la ramener aux conditions qui, suivant l’école libérale, constituent les libertés véritables de la presse. La question actuelle est bien plus restreinte : elle ne touche qu’au décret du 17 février 1852, et encore qu’à une partie de ce décret, à celle qui confère au ministre de l’intérieur la faculté d’autoriser ou d’interdire la création d’un écrit périodique et à celle qui donne à l’administration une juridiction sur la presse, juridiction qui est exceptionnelle en ce sens qu’elle laisse l’administration maîtresse de déterminer elle-même la nature des délits et d’appliquer à ces délits des pénalités très graves. Ce que l’on demande, ce n’est donc point la liberté absolue des journaux, c’est que la pYesse périodique soit replacée sous le régime du droit commun. En droit commun, tous les Français, étant égaux, peuvent également, en se conformant aux conditions prescrites par les lois, non-seulement exposer et publier leurs opinions, mais faire toutes les applications qu’il leur plaît de leur travail : en droit commun par conséquent, tout Français remplissant les conditions prescrites par la loi de son pays pourrait fonder une feuille périodique, et la création et l’exploitation d’un journal, ramenées au principe fondamental de l’égalité, nt ; seraient plus un privilège. D’après le droit commun également, aucun citoyen ne peut être puai que pour des actes