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Quel est jusqu’à présent le résultat de leurs efforts ? Quelles ressources le climat leur offre-t-il ? Parmi les végétaux utiles que le sol produit spontanément, on remarque la patate douce, le taro, l’arrow-root, l’igname, la canne à sucre, et surtout le coton, qui donne de beaux produits. L’oranger et le citronnier sont encore rares à Nukahiva ; en revanche, le goyavier, importé il y a quelques années, s’y multiplie d’une façon inquiétante. Les essais tentés pour acclimater nos légumes de France n’ont pas encore donné de résultats satisfaisans. Peut-être ces diverses cultures, essayées jusqu’à présent dans les parties basses de l’île, réussiraient-elles au sommet des vallées et sur les plateaux supérieurs. Jusqu’à ce jour, cette branche de production a été déplorablement négligée. J’incline à croire qu’avec peu d’efforts la terre de Nukahiva eût pu, quelques années après l’occupation, subvenir largement aux besoins de la colonie et à ceux des navires de la station, par conséquent épargner en partie au trésor les coûteux approvisionnemens qu’il tire de la côte d’Amérique.

Un des grands bienfaits de l’occupation a été de naturaliser aux Marquises les bêtes à cornes et les moutons. Ces animaux s’y sont supérieurement acclimatés, et formaient déjà en 1847 des troupeaux assez considérables. Sur la seule île de Tahuata, où les vallées sont placées dans des conditions de température plus favorables à ces animaux, on ne comptait pas moins de quatre-vingt-dix vaches ou taureaux et autant de moutons. Ils y vivaient à l’état sauvage. Les moutons seuls dépérissent, accablés, dit-on, par la chaleur, faute d’être débarrassés de leur épaisse fourrure. Les naturels comptent trente-six espèces d’oiseaux, en comprenant les oiseaux de mer. Certains oiseaux de passage, des courlieus, des pluviers dorés, des pluviers ordinaires, s’abattent aussi sur les îles à certaines époques. Il existe cependant aux Marquises un gibier plus estimé qu’on nomme le hupe. Nous avions longtemps douté de l’existence de cet oiseau. Après de patientes et vaines explorations, nous avions fini par l’accoler à Vuatahua, sorte de merle blanc de Nukahiva. Le hupe était pourtant bien une réalité d’os et de chair succulente, comme le prouva M. Boulanger, lieutenant de vaisseau, à qui revient l’honneur d’avoir éventé ses habitudes. Depuis le glorieux coup de fusil qui nous le fit enfin connaître, le noble gibier a fait sur la table de nos officiers plus d’une apparition. Le hupe est à peu près semblable au corbeau ; il en diffère seulement par le bec, qui, recourbé comme celui des oiseaux de proie, est néanmoins assez mou pour céder facilement à la pression des doigts ; une plaque de chair noire et unie lui recouvre la tête, une nuance ardoisée lui cuirasse l’estomac et se fond vers la partie inférieure du corps en une teinte marron for-