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REVUE. — CHRONIQUE.

de suite par un mouvement semblable, ces mots importans : Je le sais ! C’était en effet un bon musicien que M. Panseron, qui s’abusait un peu sur l’importance de ses travaux, et qui prenait grand souci de sa renommée. Ce genre d’habileté est devenu bien commun de nos jours. Je ne veux pas médire assurément de M. Panseron, qui était un bon homme au fond, un zélé admirateur de Rossini et de presque toute l’école italienne. Professeur de chant au Conservatoire, auteur de nombreux ouvrages scolastiques qui ont fait sa fortune, M. Panseron était aussi heureux que possible en n’étant pas de l’Institut. Il y serait entré sans doute, s’il avait vécu davantage. Il avait tant d’amis, tant de croix à la boutonnière, et de si bonnes relations ! Il est mort après une douloureuse et courte maladie, âgé de soixante-quatre ans. Le coup d’œil rapide que nous venons de jeter sur les faits accomplis qui se rattachent à l’art musical serait incomplet, si l’on oubliait de mentionner le triste événement qui a frappé M. Roger, de l’Opéra. On sait que le virtuose éminent, étant à la chasse dans une propriété qu’il habite près de Fontainebleau, a eu l’imprudence, en franchissant une haie, de soulever d’une seule main et d’attirer à lui un fusil chargé. Le coup est parti et lui a fracassé le poignet. On a été obligé de lui amputer l’avant-bras. Cette catastrophe, on peut l’affirmer, a ému toute la France. M. Roger est du petit nombre de ces artistes privilégiés dont le public estime autant la personne qu’il admire le talent. Au nom d’un idéal qui préside à notre critique et qui rend parfois nos jugemens un peu sévères, nous avons pu relever avec plus ou moins de vivacité quelques imperfections dans le style, d’ailleurs élevé, de M. Roger ; mais nous n’avons jamais méconnu ni l’intelligence éclairée ni les qualités nombreuses qui distinguent ce brillant chanteur, dont la carrière, espérons-le ne sera pas entièrement interrompue.

P. Scudo.


C’est une tâche difficile que d’introduire le public français dans les profondeurs de la philosophie hégélienne. L’auteur d’une récente traduction de la Logique de Hegel semble avoir compris ce que cette entreprise a d’ardu[1]. Il y a quelques années déjà, M. Véra publiait une Introduction à la Logique de Hegel qui devait préparer le lecteur à l’intelligence de cette partie importante de la doctrine hégélienne. Aujourd’hui c’est la Logique même qu’il traduit, mais en la faisant précéder d’une préface explicative et en l’accompagnant d’un commentaire très développé. Toutes ces précautions, toutes ces explications préliminaires n’ont rien de superflu : l’œuvre de Hegel n’est pas de celles qu’on aborde aisément ; sa pensée, habituée à se produire dans les régions les plus élevées de l’abstraction, ne connaît guère les nuances, les figures, les détours du langage ordinaire. La philosophie spéculative dédaigne la popularité facile ; elle s’adresse aux esprits assez supérieurs pour ne pas croire à leur infaillibilité, et qui, pour atteindre la vérité, savent qu’il faut de longs efforts. Parmi ceux qui cultivent les sciences mathématiques, personne n’a la prétention de comprendre le calcul différentiel ou

  1. Logique de Hegel, traduite pour la première fois et accompagnée d’une introduction et d’un commentaire perpétuel, par M. A. Véra. — 2 vol. in-8o. Paris, Ladrange.