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Nous avons, dès le premier jour, regretté la disposition du traité de Villafranca qui parlait de la restauration des princes, car nous la jugions incompatible avec l’équilibre des influences au sein de la confédération que l’on veut établir en Italie. Pour que la confédération soit possible, disions-nous, il faut que l’Italie soit tout entière libérale ou tout entière absolutiste. Il n’en est pas en effet d’un système fédératif qui se forme comme d’une fédération toute formée. Celle-ci peut vivre avec les divergences intérieures qui se sont développées en elle depuis sa naissance ; mais, si l’on remontait à l’origine des confédérations existantes, l’on verrait qu’il n’en est pas une qui n’ait été établie par l’unanimité des intérêts qui s’y sont associés. Proposer à des peuples, à des états qui ont jusque-là vécu en antagonisme, de se confédérer, c’est supposer que, parmi ces états et ces peuples, les plus faibles sont résignés à accepter la loi des plus forts. Il était difficile de croire qu’un pareil phénomène pût s’accomplir en Italie après une guerre et des révolutions qui ont, nous ne dirons pas irrité, puisqu’on veut bien nous assurer du contraire, mais du moins humilié l’Autriche et sa clientèle de princes, et qui en même temps « ont détruit dans des cœurs honnêtes de nobles illusions » et ont fait « évanouir de patriotiques espérances. » Le devoir du gouvernement français envers l’Autriche, son droit envers l’Italie, étaient, nous le reconnaissons, d’épuiser tous les moyens de persuasion pour faire adopter par la Toscane la stipulation de Villafranca ; mais, selon nous, l’insuccès de ses recommandations devait médiocrement le surprendre. Un article tel que celui du Moniteur eût pu être employé parmi les moyens auxquels on a eu recours, et n’eût peut-être pas été sans exercer une certaine influence, surtout s’il eût été publié à temps, s’il eût paru après la paix de Villafranca, et non après l’expression des vœux de la Toscane et la réponse du roi Victor-Emmanuel. Aussi ce qui nous a le plus étonnés dans cet article, c’est l’amertume des reproches qui y sont adressés aux Italiens et la singulière conclusion qui le termine. Les hommes éclairés, modérés, fermes, persévérans, qui ont acquis tant d’honneur par l’ordre avec lequel ils ont conduit les gouvernemens provisoires de l’Italie centrale dans une crise révolutionnaire, sont représentés comme ayant été plus « préoccupés de petits succès partiels que de l’avenir de la patrie commune. » Si par leur faute la partie du traité de Villafranca qui concerne les archiducs n’est point exécutée, l’empereur d’Autriche se trouvera délié de tous les engagemens pris en faveur de la Vénétie. Il se maintiendra en état de guerre, et l’on verra renaître de nouveaux troubles et de nouveaux malheurs. Qu’on ne se fie point à un congrès pour en finir avec ces menaçantes incertitudes. Il n’y aurait d’autre solution que la guerre ; mais que les Italiens ne s’y trompent pas : le Moniteur congédie sans façon la question italienne en leur disant que la France seule en Europe fait la guerre pour une idée, et qu’elle a accompli sa tache !

Les reproches du Moniteur retombent sur les hommes distingués qui ont dirigé le mouvement de la Toscane, puisque ce journal donne à entendre qu’il aurait pu être fait droit aux vœux manifestés par les duchés de Parme et de Modène. Chose étrange ! car si les vœux de Parme et de Modène sont dignes d’être pris en considération, comment ceux de la Toscane, qui sont