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question, et laisse l’autre dans une incertitude qui nous paraît impolitique et dangereuse.

Les informations nouvelles du Moniteur nous éclairent sur les circonstances où a été arrêtée la stipulation de Villafranca relative à la restauration des princes et sur la portée véritable de cette condition de la paix. Au mois de juillet dernier, après la bataille de Solferino, quand les armées franco-sarde et autrichienne étaient en présence entre l’Adige et le Mincio, — les chances, dit le Moniteur, étaient à peu près égales des deux côtés. L’Allemagne était prête, au premier signal, à prendre fait et cause pour l’Autriche, et, « cette éventualité se réalisant, l’empereur Napoléon était forcé de retirer ses troupes des bords de l’Adige pour les porter sur le Rhin. » Ce sont ces circonstances qui, suivant le Moniteur, ont décidé l’empereur à conclure la paix. Il y aurait à la vérité quelques doutes à élever à propos de ces assertions. Il coûterait à l’orgueil national de croire en effet qu’après Solferino les chances fussent à peu près égales des deux parts : évidemment, et les nombreuses adresses que le Moniteur a publiées en font foi, l’opinion publique en France était loin de se faire une idée si peu fière des résultats des deux grandes victoires remportées par nos soldats. On pourrait contester, en s’appuyant sur la longue controverse dans laquelle l’Autriche et la Prusse se sont engagées après la paix, que l’Allemagne fût aussi prête que le suppose le Moniteur à se joindre à l’Autriche. Même, cette éventualité se réalisant, on pourrait trouver que le Moniteur estime avec une modestie outrée les ressources de la France, lorsqu’il assure que nous eussions été forcés de retirer notre armée des bords de l’Adige pour la porter sur les bords du Rhin : ce serait en tout cas la première fois que la France aurait été dans l’impuissance d’avoir en même temps une armée en Italie et une armée sur le Rhin, et n’eût pas pu faire ce qu’elle a fait à toutes les époques de son histoire, sous Louis XIV et sous Louis XV, sous la république et sous Napoléon Ier. Ménageons l’amour-propre militaire de l’Autriche, puisque nous avons eu l’honneur de la vaincre, nous ne nous y opposons pas ; mais, pas même au Moniteur, nous ne reconnaîtrons le droit de nous obliger à souscrire à un pareil aveu. Cette réserve faite, nous admettrons volontiers après tout que le Moniteur doit être mieux instruit que nous des circonstances qui ont décidé la paix, et qu’il est le meilleur juge de la mesure qu’il lui convient d’apporter dans son langage. La paix est en soi une si bonne chose, que nous n’aurons pas le cœur d’en scruter trop sévèrement les motifs. Arrivons donc aux conditions sur lesquelles on a voulu l’établir.

Il y avait, suivant le journal officiel, deux questions : la première était de savoir si l’Autriche céderait le territoire conquis ; la seconde, « si elle abandonnerait franchement la suprématie qu’elle s’était acquise dans toute la péninsule, si elle reconnaîtrait le principe d’une nationalité italienne en admettant le système fédératif, si enfin elle consentirait à doter la Vénétie d’institutions qui en fissent une véritable province italienne. » Pas de difficulté sur le premier point. Quant au second, l’empereur d’Autriche « promit les plus larges concessions pour la Vénétie, admettant pour son organisation future la position du Luxembourg vis-à-vis de la confédération