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venus lever tous les doutes sur le rôle hygiénique du café : nous ne citerons que les plus concluans. La consommation du café dans la Belgique était en 1851 huit fois plus considérable que chez nous relativement à la population, et l’usage en était général dans toutes les classes. En présence des statistiques si soigneusement exécutées dans ce pays, on ne peut que reconnaître l’influence favorable du café sur la santé publique[1]. Cependant on pouvait désirer une démonstration plus complète en étudiant cette influence sur la force et la santé des hommes voués à de rudes labeurs, et qui ne peuvent disposer d’une nourriture surabondante. Tel a été le but d’une étude spéciale entreprise par M. de Gasparin. En voici les résultats :

Les ouvriers mineurs de la Belgique parviennent à soutenir leurs forces et leur santé en introduisant chaque jour dans leur régime alimentaire deux litres d’infusion mélangée de 100 grammes de café et de 100 grammes de chicorée : à cette condition, ils peuvent réduire leur portion habituelle d’autres alimens au-delà même de la quantité de substance nutritive qu’il est possible d’admettre dans ces infusions. Pour expliquer de pareils effets, M. de Gasparin a été conduit à supposer qu’en certaines circonstances le café peut agir dans l’économie animale en retardant la mutation des tissus, en prévenant ainsi une partie des déperditions journalières, qu’en un mot c’était surtout en empêchant durant les fatigues corporelles l’homme de se dénourrir qu’il exerçait une puissante action sur le maintien des forces et de la santé. Cette remarquable influence qu’on attribue à l’aromatique breuvage est d’ailleurs appuyée sur l’autorité incontestable d’une longue expérience pour qui connaît la sobriété de certains peuples grands consommateurs de café, les abstinences parfois prodigieuses des caravanes, le régime peu nutritif des nations arabes. En Égypte comme en Italie, l’infusion de café désignée sous le nom de café noir constitue une boisson habituelle que l’on prend trois ou quatre fois par jour, et jamais on n’entreprend une course matinale ou une longue marche sans prendre une tasse de café noir.

Depuis que ces faits ont été observés, de sages mesures administratives sont venues donner, par des applications remarquables, une véritable sanction aux idées nouvelles qui se formaient sur l’emploi hygiénique du café. C’est ainsi que durant les dernières campagnes d’Afrique, de Crimée, d’Italie, on a introduit avec tant d’avantages le café dans la ration des soldats et des marins. Dans nos colonies, les grands propriétaires ont depuis longtemps la sage habitude

  1. Les Anglais eux-mêmes consommaient à la même époque plus de café que nous, bien que le thé occupât comme aujourd’hui dans leur alimentation une place beaucoup plus considérable encore.