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la variété des plantations serait profitable à nos possessions d’outre-mer. À la Réunion, certaines terres crevassées et marécageuses sont difficilement appropriées à l’entretien et au développement des cannes à sucre. On ne peut en obtenir, même à grands frais, qu’un jus aqueux et peu sucré. La culture et la récolte, difficiles en tout temps, y sont devenues impraticables depuis renchérissement de la main-d’œuvre, conséquence naturelle de l’affranchissement des nègres. Dans de telles circonstances, un des plus grands propriétaires de la colonie, M. de Kerveguen, étendant à ces localités, ingrates pour la production saccharine, mais favorables à la végétation des cafiers, la culture de ces arbustes, a obtenu des résultats économiques très notables, qui ont augmenté ses revenus en sextuplant ses récoltes de café, portées ainsi de 350 à plus de 2,000 balles par année moyenne[1].

En général, pour cultiver les cafiers avec avantage, des abris et une certaine humidité sont nécessaires, bien que sous ce rapport ces arbustes soient moins exigeans que les cacaoyers. Ainsi, dans l’île de la Réunion, que partage en deux une chaîne de montagnes, le côté du vent (celui qui reçoit sans obstacle les vents alizés ou d’orient) pourrait convenir aux cacaoyers, si les terres vierges et les abris n’y manquaient, tandis que le côté opposé, dit sous le vent, trop sec pour cette culture, se trouve encore assez humide et abrité pour les plantations des cafiers. À la Martinique, c’est dans les terres argilo-sableuses rougeâtres, où la végétation active des figuiers, des

  1. Malheureusement de telles améliorations dépassent les moyens dont peuvent disposer dans nos colonies un grand nombre de propriétaires plus ou moins éprouvés par les événemens de 1848. C’est à grand’peine qu’ils peuvent subvenir aux lourdes dépenses de la main-d’œuvre, insuffisante d’ailleurs, des travailleurs libres, même en empruntant sur les produits à venir de leur récolte. Obligés, faute de capitaux, de se servir des anciens moteurs hydrauliques ou à vent, ils voient à chaque campagne se reproduire des accidens qui compromettent les résultats impatiemment attendus. Et quand ils n’ont même à déplorer aucun de ces accidens, quand même le sucre obtenu dans des conditions. favorables atteint par sa belle nuance et la netteté de ses cristaux le type de la première qualité, la surtaxe qui frappe alors ces produits annule le bénéfice exceptionnel qu’on aurait pu s’en promettre. Faciliter l’action des banques coloniales et du crédit foncier, encourager par la suppression de la surtaxe le perfectionnement des procédés, ce serait donner, nous en sommes convaincu, une impulsion heureusement féconde à la culture coloniale, qui se développerait au grand profit de la fortune publique, des recettes de l’état et des progrès de notre marine. Telle était du moins la conclusion à laquelle nous étions conduit en écoutant les détails que nous donnait sur la triste situation des colonies françaises un ancien magistrat, propriétaire à la Guadeloupe, M. Corot.