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en balance avec les qualités militaires. Un vaisseau doit être aussi fort que possible, et ce qui l’affaiblit est parla même condamné. La mâture a-t-elle cet effet ? peut-elle être une cause d’affaiblissement ? Voilà les vrais termes du débat. Or il est évident que, par son poids et sa résistance au vent, la mâture diminue la vitesse, et on a vu de quel prix est la vitesse dans un combat. On peut caler les mâts, dira-t-on ; c’est avouer qu’ils nuisent. Cet inconvénient n’est pas le seul ni le plus grave. Cette mâture offre un point de mire aux boulets, et quand elle est atteinte, elle couvre le pont d’éclats et de débris qui embarrassent les manœuvres, blessent ou tuent des hommes, gênent ou suspendent le feu des batteries. Il y aurait donc là pour le vaisseau un affaiblissement réel qui ne serait pas compensé par la faculté d’avoir à sa disposition un double appareil de marche. Ce serait une preuve de plus que les moyens les plus simples sont aussi les plus surs, et que les complications ne sont jamais un perfectionnement. On s’occupe en Angleterre de surmonter ces difficultés, et il se peut que le pays qui doit tant à la voile soit le premier à faire ce sacrifice définitif à l’esprit de renouvellement.

Voilà bien des élémens que le passé ignorait, et qu’un demi-siècle de repos a introduits dans le régime des guerres navales. Le plus étrange de cette situation, c’est qu’on n’en peut parler que par conjecture. Il en est de même de l’artillerie, où les révolutions n’ont été ni moins nombreuses, ni moins profondes. J’ai déjà parlé des expériences faites et des combinaisons en projet pour augmenter la puissance et la rectitude du feu dans des modèles perfectionnés. Il me reste à insister sur les différences qui existent entre le nouvel armement et ceux qui l’ont précédé. Bien de plus varié que les anciennes bouches à feu de marine ; il y en avait de 12, de 18, de 24, de 36, amalgamées dans les mêmes batteries ou tout au moins dans le même bâtiment. Les calibres allaient en diminuant de force, depuis les batteries basses qui portaient le plus gros jusqu’aux batteries de pont qui portaient le plus léger. À chaque batterie, à chaque pièce répondaient des boulets assortis, et plus d’un inconvénient résultait de ce mélange. Ce fut pour y porter remède que l’ordonnance de 1837 décida que désormais il n’y aurait plus, dans la flotte, qu’un calibre uniforme et réglementaire, celui de 30. Depuis lors, nos bâtimens de guerre ont été armés de pièces de ce calibre avec un avantage très marqué sur le système tombé en désuétude. Cependant on est allé plus loin, et un autre élément est survenu à la suite des découvertes auxquelles le général Paixhans a attaché son nom. Il y a eu alors toute une série de bouches à feu, canons, obusiers, mortiers, à boulets creux et à boulets pleins, qui ont introduit dans notre marine les calibres de 40, 60, 80, dans celle des Anglais, les calibres de 32, 64 et 94. Dans les débuts, ce