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donner aux moyens de destruction plus d’énergie ou de mobilité, soit pour accroître jusqu’à l’impunité les moyens de résistance. À ces efforts répondaient d’autres efforts ou identiques ou équivalens ; chacun cherchait à se ménager les bénéfices ou à éloigner les risques d’une surprise. Mettions-nous un vaisseau en refonte, les Anglais en mettaient deux ; donnions-nous à nos bâtimens un revêtement en fer, les Anglais en donnaient aux leurs ; comme nous, ils avaient leurs flotilles de canonnières et ces lourds pontons cuirassés que l’on nomme des batteries flottantes. Ils nous imitaient même dans ces constructions dont la valeur maritime est contestable et qui ne peuvent rendre que des services restreints. Ni la dépense, ni la crainte d’un avortement ne les arrêtaient ; ils voulaient tout faire et tout avoir, afin de tout juger. S’est-il agi de canons rayés, ils ont eu leur canon ; là où ils n’inventent pas, ils s’approprient. La conséquence de cette disposition des esprits a été qu’au lieu de procéder au renouvellement des flottes avec une sage lenteur, on l’a, des deux côtés, précipité, et qu’à grands frais on va achever en cinq ans une œuvre qui, dans des conditions régulières, eût demandé au moins un quart de siècle.

Des documens précis permettent de fixer les dépenses faites pour la marine anglaise depuis quelques années. Le budget de l’amirauté, qui en 1852-53 n’était que de 5,707,988 livres sterling, était porté en 1854-55 à 6,132,543 livres sterling, et en 1855-56 à 11,857,506, époque où l’Angleterre eut à la mer deux flottes considérables, montées par 70,000 hommes. En 1857-58, les crédits furent réduits à 8,010,526 livres pour se relever en 1858-59 à 8,440,871 livres. Pour l’exercice courant 1859-60, ils sont de 9,813,181 livres, sans compter un supplément qui les portera à 12 millions de livres. Entre 1852 et 1858, il y a eu, en dehors des services ordinaires, 24 millions de livres, plus de 600 millions de francs, affectés soit à la construction de nouveaux vaisseaux, soit à la transformation des anciens, en y comprenant les dépenses accessoires, cales à agrandir, augmentation des approvisionnemens, élévation de la solde des équipages. Sur ce dernier article, la progression a été sensible ; de 39 livres par an, il a fallu arriver à 43. Le coût des machines entre aussi pour une grande part dans ce surcroît de frais, et pour s’en former une idée il suffit de savoir que l’appareil du Duc de Wellington, vaisseau à hélice de première classe, coûte 46,000 livres, plus de 1,150,000 francs, avec un entretien de 10 pour 100 par an. D’après ces données, il est facile d’évaluer ce qu’a dû coûter à la France un travail à peu près analogue, réparti entre six exercices financiers. Cet effort, si soutenu et si fructueux qu’il ait été, ne semble pas se ralentir. Un rapport de notre ministre de