Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne lui étaient pas moins nécessaires en Hollande. Il y évitait les rencontres et les communications compromettantes, et s’y cachait à ses compagnons d’exil presque autant qu’à ses persécuteurs. Il ne put éviter cependant qu’on ne prétendît l’avoir vu dans la compagnie de lord Grey de Wark, un des réfugiés les plus décidés à tirer vengeance de ses ennemis ; dans celle de Ferguson, dont on lui attribua, peut-être sans y croire, un des écrits anonymes. Il n’avait pas d’ailleurs besoin d’être coupable pour qu’on voulût lui nuire et pour qu’on sût comment le perdre. Il voyageait avec un congé de l’université. Ses liens avec Oxford n’étaient pas rompus. Son titre et sa chambre à Christ Church étaient le plus clair de son bien. Charles II et ses ministres songèrent donc à l’en priver, puisque c’était le plus grand mal qu’ils lui pussent faire. Comme cet acte de tyrannie intéresse à la fois l’indépendance et l’honneur de l’université d’Oxford, il a été de la part des historiens l’objet d’un examen attentif. M. Fox et lord Macaulay s’en sont occupés. Lord Grenville, cet homme d’état distingué qui a eu l’honneur singulier d’être ministre avec Pitt et avec Fox, et qui était un ancien élève de Christ Church et chancelier de l’université, a publié un écrit spécial sur ce fait historique en défense de l’institution qui l’avait élu pour chef. Nous exposerons de notre mieux le fond du procès.

Le collège de Christ Church se distingue dans l’université d’Oxford précisément en ce qu’il n’est pas un collège. C’est pour ainsi dire une école épiscopale du moyen âge, fondée par Wolsey en 1526 à la place du prieuré de l’église de Saint-Frideswide, érigée plus tard en cathédrale. Aussi est-elle administrée par un doyen et non par un master. Son personnel se composait, avant une réforme récente, de huit chanoines, autant de chapelains, un maître d’école ou écolâtre, un organiste, huit clercs, huit choristes, et cent un étudians. Ce titre d’étudiant, studentship, n’est connu qu’à Christ Church, et remplace ceux de scholar ou de fellow qui sont usités ailleurs. C’est une récompense académique qui, en principe, doit être décernée au plus méritant, et c’est à ce titre que Locke l’avait obtenue. Elle lui valait, avec quelque modeste émolument, le droit de loger et de se nourrir dans l’établissement. Il n’avait pas d’autre titre, puisque le crédit de lord Shaftesbury n’avait pas réussi à lui obtenir le grade de docteur en 1670 ; mais, en qualité de bachelier en médecine et de praticien, il était souvent traité comme un docteur, tenant du doyen et du chapitre une commission médicale qui lui permettait de garder son titre d’étudiant sans prendre les ordres, suivant une condition assez naturellement imposée aux élèves salariés d’une ancienne école épiscopale.

Comme fondation royale, Christ Church avait le roi pour visiteur,