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à l’usage d’un palais où une royauté solitaire semblait vivre sans rapports avec la race humaine, rien n’aurait été plus facile à la grande camériste que de se faire suppléer dans ces devoirs indécens. L’une des recommandations de Louis XIV à son petit-fils avait été en effet, en respectant scrupuleusement tous les usages populaires, d’attaquer corps à corps dans sa cour le monstre de l’étiquette qui, sous les derniers princes autrichiens, avait atrophié la royauté espagnole. Ce fut l’une des œuvres auxquelles se consacra la grande camériste ; mais elle se garda bien de rien réformer dans ses propres fonctions, entendant conserver seule l’accès près des personnes royales, et sacrifiant sans effort sa dignité à sa puissance.

Avec une sûreté d’intuition remarquable, la princesse des Ursins s’était de prime abord proposé un double but : elle entendait devenir l’intermédiaire de l’alliance intime formée entre l’aïeul et le petit-fils, puis restaurer l’Espagne, en faisant prévaloir pour le gouvernement de ce pays les méthodes françaises, mais dans la mesure seulement où l’application en paraîtrait possible sans blesser le sentiment national. Cette politique était la plus sage et assurément la plus utile pour la Péninsule, dans l’extrémité où l’avait conduite l’inepte pouvoir auquel elle venait enfin d’échapper. Le testament qui commettait à l’honneur de la France le salut de son ancienne rivale avait été un vrai service rendu par la dynastie autrichienne au pays dont elle avait, en trois règnes, tari toutes les sources de grandeur. Entre les princes qui ne furent ni vicieux ni cruels, il n’en est pas qui aient fait plus de mal aux hommes que les derniers descendans de Charles-Quint. À la fin du XVIIe siècle, l’immense empire de Philippe IV et de Charles II, réduit à une faiblesse que connaît à peine de nos jours l’empire ottoman, n’était plus qu’un fantôme de nation. La maison d’Autriche avait triomphé de la féodalité et des résistances municipales aussi complètement que la maison de Bourbon ; mais les succès dû pouvoir monarchique avaient été aussi stériles d’un côté des Pyrénées qu’ils lui furent profitables de