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pour expliquer au public les longs débats de la chambre des lords pendant le printemps de 1675. On trouve encore dans les œuvres de Locke un écrit intitulé : Lettre d’une personne de qualité à un ami qui habite la campagne. L’auteur y expose comment le bill contre les personnes mal affectionnées avait occupé pendant vingt-deux jours la chambre des pairs, et en exaltant le patriotisme des lords de l’opposition, il rencontre les évêques en tête de leurs adversaires, et il en prend occasion de dire que par tout pays le clergé a fait bon marché des droits et des libertés du peuple. Pour sauver son institution de droit divin, le clergé a admis le prince à la partager, de sorte que le prince et le prêtre sont devenus des jumeaux unis comme Castor et Pollux. Cet ouvrage, où Locke, changeant de ton, sut montrer la véhémence de l’écrivain politique, blessa si vivement la cour, qu’à la fin de la session d’automne elle fit ordonner par la chambre haute qu’il fût brûlé par la main du bourreau.

Fatigué de ses luttes, compromis de sa personne dans l’active opposition de son protecteur, Locke ne fut probablement pas fâché d’avoir une raison de quitter l’Angleterre. Il éprouvait toutes les incommodités d’une disposition asthmatique très prononcée. Plus d’une fois il avait senti le besoin de respirer l’air d’un climat plus doux, et il y avait plus d’un an que son ami le docteur Mappletoft lui avait conseillé l’air de Montpellier, qui est resté longtemps une des grandes ressources de la thérapeutique anglaise. Locke partit pour la France le dernier jour de novembre 1675.


III

À son arrivée à Calais, Locke commença un journal de voyage, et le continua pendant plus de trois ans, jusqu’à son retour. Ce journal existe, et lord King en a publié une partie, qui se lit sans ennui, mais qui ne fournirait guère d’intéressans extraits. La statistique historique y glanerait quelques renseignemens. Locke ne néglige pas la manière de vivre des habitants, le prix des denrées ; il s’enquiert de la police, surtout de la situation déjà bien précaire des protestans. Il ne se montre pas fort édifié de la douceur des mœurs ni du bien-être du peuple. Enfin il ne voit rien qui doive le dégoûter de la liberté et de la tolérance. Après quelques jours passés à Paris, il se rend à Montpellier par Avignon et Nîmes, y séjourne près de quatre mois, puis visite Marseille et Toulon, et fixe de nouveau sa résidence à Montpellier, qu’il ne quitte qu’en mars 1677 pour aller à Paris par Bordeaux. Il demeure à Paris plus d’un an, et repart dans l’été