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Young de ne plus envoyer de messagers à son camp et rompit avec lui toute communication.

À la fin du mois de décembre, un prisonnier fait par les mormons s’échappa, et vint annoncer au colonel Johnston que ceux-ci avaient formé le projet d’arrêter le capitaine Marcy à son retour du Mexique avec les troupeaux qu’il devait ramener. Dans son inquiétude, le commandant envoya une petite expédition vers le gouvernement des États-Unis pour demander des secours. Les malheureux soldats qui en firent partie souffrirent toutes les tortures du froid et de la faim, et se trouvèrent réduits à manger de la viande de mulet dans les montagnes. Avant même de recevoir la demande du colonel Johnston, le bureau de l’armée à Washington s’était occupé de lui envoyer des renforts ; on l’avait promu au grade de brigadier-général ; au printemps, 3,000 hommes, le 1er régiment de cavalerie, les 6e et 7e d’infanterie et deux batteries d’artillerie, devaient le rejoindre. On préparait d’énormes convois qui ne devaient pas comprendre moins de 4,500 voitures, 50,000 bœufs, 4,000 mulets, 5,000 conducteurs et employés de toute sorte.

Cependant le colonel Johnston, qui ne recevait aucune nouvelle du capitaine Marcy, dépêcha le docteur Hurt, l’agent indien, chez les Pah-Utahs pour les prier de prévenir cet officier du danger qu’il courait. Les souffrances que le fonctionnaire endura dams les monts Uinta furent si cruelles, qu’il tomba malade à son retour, et que sa vie fut plusieurs semaines en danger. Le général apprit bientôt par un courrier que le capitaine Marcy était arrivé sain et sauf à Taos, et qu’un seul de ses hommes avait péri de froid pendant le voyage.

Le 12 mars, on reçut au camp des nouvelles des mormons : elles furent apportées par un Américain qui avait, à l’insu du général Johnston, accompli une mission sur le territoire d’Utah, où il s’était rendu par la voie de Panama et de la Californie. Ce personnage se nommait M. Kane ; il était le frère du navigateur américain qui venait de faire deux voyages dans les mers polaires à la recherche de sir John Franklin. Depuis longtemps déjà, M. Kane connaissait les mormons ; il avait recruté parmi eux un bataillon à l’époque de la guerre du Mexique. Tombé alors gravement malade au quartier d’hiver qu’ils occupaient dans l’Iowa, il en avait reçu des soins si dévoués qu’il se sentait lié envers eux par la reconnaissance ; il s’était depuis, en toute occasion, constitué le défenseur de la secte opprimée, et en avait pris le parti avec tant de chaleur qu’on allait jusqu’à l’accuser d’en partager secrètement la foi.

M. Buchanan, découragé par les débuts de l’expédition qu’il avait ordonnée, embarrassé par la question d’Utah, songeait à y mettre