Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 23.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au moment du départ, l’archevêque de Vienne
A béni son cimier de prince féodal.

Roland a son habit de fer, et Durandal.

Ils luttent de si près avec de sourds murmures,
Que leur souffle âpre et chaud s’empreint sur leurs armures;
Le pied presse le pied; l’île à leurs noirs assauts
Tressaille au loin; l’acier mord le fer; des morceaux
De heaume et de haubert, sans que pas un s’émeuve,
Sautent à chaque instant dans l’herbe et dans le fleuve.
Leurs brassards sont rayés de longs filets de sang
Qui coule de leur crâne et dans leurs yeux descend.
Soudain, sire Olivier, qu’un coup affreux démasque,
Voit tomber à la fois son épée et son casque.
Main vide et tête nue, et Roland l’œil en feu!
L’enfant songe à son père et se tourne vers Dieu.
Durandal sur son front brille. Plus d’espérance!
« Çà, dit Roland, je suis neveu du roi de France,
Je dois me comporter en franc neveu de roi.
Quand j’ai mon ennemi désarmé devant moi.
Je m’arrête. Va donc chercher une autre épée,
Et tâche cette fois qu’elle soit bien trempée.
Tu feras apporter à boire en même temps,
Car j’ai soif.

— Fils, merci, dit Olivier,

— J’attends,

Dit Roland, hâte-toi. »

Sire Olivier appelle
Un batelier caché derrière une chapelle :

« Cours à la ville, et dis à mon père qu’il faut
Une autre épée à l’un de nous, et qu’il fait chaud. »

Cependant les héros, assis dans les broussailles.
S’aident à délacer leurs capuchons de mailles,
Se lavent le visage et causent un moment.
Le batelier revient; il a fait promptement;
L’homme a vu le vieux comte; il rapporte une épée
Et du vin, de ce vin qu’aimait le grand Pompée
Et que Tournon récolte au flanc de son vieux mont.
L’épée est cette illustre et fière Closamont
Que d’autres quelquefois appellent Haute-Claire.
L’homme a fui. Les héros achèvent sans colère
Ce qu’ils disaient; le ciel rayonne au-dessus d’eux;