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solliciter pour sa tribu l’établissement des mêmes mesures d’ordre qu’à Balade. Sa demande lui fut accordée, et le commandant français résolut, pour imposer à ces tribus, de mettre dans ses relations avec leur chef quelque solennité. Il emmena donc dans deux embarcations armées en guerre une partie de son état-major, la compagnie de débarquement, et deux obusiers de montagne destinés à saluer l’installation du pavillon français. La petite expédition suivit les nombreuses sinuosités de la rivière et débarqua à 400 mètres d’un grand village où toute la tribu en armes l’attendait avec une extrême curiosité. Elle accueillit avec de grands cris la troupe française, qui se rangea en bataille devant la maison de la mission. Après une courte allocution du commandant, qui fut traduite par le chef Hippolyte, le pavillon français fut hissé et salué par notre artillerie, le tout au milieu de beaucoup de gestes et de clameurs. Ensuite Hippolyte et Tarebate apposèrent une sorte de signature au bas d’un acte en vertu duquel ils acceptaient la souveraineté de la France ; puis vinrent la lecture et l’explication du nouveau code pénal, enfin, ce qui de beaucoup plut le mieux aux indigènes, une distribution générale de tabac et de biscuit, et la remise aux chefs de cadeaux consistant en quelques oripeaux, en armes et en ustensiles. Pour exprimer leur joie de cette libéralité, les naturels se groupèrent devant les bâtimens de la mission, pendant que les officiers y prenaient un frugal repas, et se mirent à exécuter leurs danses. Ils sautaient et gesticulaient au son d’un bambou frappé en cadence sur le sol, et accompagné par un sifflement des danseurs. C’est une particularité des sauvages de la Nouvelle-Calédonie que cette substitution du sifflement au chant, et il paraît que rien ne saurait être plus fatigant ni plus désagréable.

Ces naturels sont en général grands et robustes, et les marins qui les ont visités s’accordent à vanter leur vigueur. En effet, les photographies qui ont été rapportées, et que nous avons eu occasion de voir, représentent des hommes bien membrés et musculeux ; mais leur physionomie est brutale et grossière. Les femmes surtout, avec leurs cheveux laineux, leurs gros traits hébétés, leurs seins pendans, leurs extrémités difformes, ressemblent plutôt à des bêtes qu’à des créatures humaines. Les hommes sont entièrement nus et se bornent à envelopper les parties sexuelles dans un lambeau d’étoffe ; quant aux femmes, elles se couvrent le milieu du corps d’une ceinture large d’un pied à laquelle se rattache par derrière un pagne qui descend des épaules aux jarrets. Il s’est fait dans la Nouvelle-Calédonie un mélange des naturels abjects de l’Australie et des belles races polynésiennes, et il en est sorti une famille bâtarde, supérieure à ceux-là, inférieure à celles-ci, et participant aux usages des uns et