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d’être pris, quand par bonheur un navire français, la Brillante, se présenta à point pour opérer un débarquement et recueillir, après un combat assez vif, nos compatriotes, qui furent transportés dans l’île des Pins. Là, avec une persévérance qui leur fait honneur, ils formèrent le noyau d’une nouvelle mission, parvinrent à renouer quelques relations avec les naturels de la grande terre, et favorisèrent l’occupation française. Après leur expulsion de Balade, un fait terrible avait donné la mesure de la barbarie et de la férocité des insulaires : en 1851, un bâtiment de l’état en reconnaissance dans ces parages, l’Alcmène, avait chargé deux jeunes officiers, MM. de Varennes et Saint-Phal, d’opérer avec une chaloupe et quinze hommes une reconnaissance le long des côtes et des baies intérieures. Les imprudens se laissèrent surprendre par les naturels sur une petite île qu’ils croyaient inhabitée. Officiers et matelots furent massacrés et dévorés. Le commandant de l’Alcmène saccagea et brûla des huttes, mitrailla les sauvages qu’il put atteindre : mais lui-même ne devait pas être beaucoup plus heureux que ses officiers : il perdit son bâtiment sur la terrible chaîne de corail, aujourd’hui seulement bien reconnue, qui enveloppe notre possession nouvelle.

Au moment même où le commandant Tardy de Montravel paraissait en vue de ces tristes parages, un bâtiment français venait encore de s’y perdre. C’était un beau trois-mâts, appelé la Croix-du-Sud, qui deux années auparavant était sorti des chantiers de Bordeaux. Il avait commercé sur la côte d’Amérique, dans la mer de Chine, en Australie, et il venait de Melbourne, se dirigeant sur les Moluques avec l’intention de toucher au nouvel établissement français. En doublant la pointe occidentale de l’île, trompé par des cartes inexactes, croyant s’engager dans une passe, il s’était jeté au milieu des récifs et s’y était échoué. Son équipage, composé du capitaine, de sa jeune femme et de douze hommes, n’avait pas eu d’autre ressource que de se mettre, dans deux petits canots, à la recherche du havre Balade, où il était parvenu après une navigation de sept jours, presque sans vivres, menacé par les affreux sauvages des îlots et de la côte septentrionale, qui naguère avaient dévoré une partie de l’équipage de l’Alcmène. La Constantine recueillit les pauvres naufragés ; son commandant détacha un brick à vapeur, le Prony, qui venait de le rallier, pour tenter de relever la Croix-du-Sud ; mais après de vains efforts il fallut renoncer à cette espérance, et l’équipage du bâtiment de commerce français dut attendre dans notre établissement l’occasion d’être transporté à Sydney.

Ramener nos missionnaires et les établir solidement à la grande