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d’ardeur, une fiévreuse impatience d’atteindre le but, et plus de vigueur que de charme. Elle chante avec intelligence, mais avec un peu trop d’effort, et sa respiration haletante aurait besoin d’être contenue et dirigée avec plus d’économie. Quoi qu’il en soit de nos petites chicanes et d’autres encore que nous pourrions y ajouter, le succès de Mlle Monrose a été instantané et réel, et le public lui a fait un accueil de bon augure. Lorsque Mlle Caroline Duprez, aujourd’hui Mme Vandenheuvel, débuta au Théâtre-Italien, le 21 janvier 1851, nous terminions notre appréciation par ces paroles, qui peuvent être appliquées à Mlle Monrose : « Élève d’un grand artiste, elle est entrée dans la carrière des arts sous les plus favorables auspices. Elle n’a eu qu’à apparaître pour conquérir sa place et pour se faire proclamer de la race des prédestinés. Qu’on la ménage, cette plante délicate, qu’on épargne les trop vives secousses à ce tempérament nerveux qui tressaille au moindre contact, et qu’on ne puisse pas dire un jour de cette jolie personne :

« … Elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin ! »


La Pagode, opéra insipide en deux actes de M. Saint-Georges, a été donnée au théâtre de l’Opéra-Comique le 26 septembre pour le plus grand ennui de ceux qui l’ont écoutée. La musique, d’une déplorable facilité, est de M. Fauconnier, compositeur belge, assure-t-on, qui doit ce tour de faveur à la protection d’un haut personnage. Pauvres compositeurs français, personne ne vous protège, vous qui, après avoir fait le voyage de Rome, où vous avez été envoyés par la munificence de la nation, vous promenez en long et en large sur le boulevard des Italiens en vous écriant, comme ce Spartiate dont parle Plutarque : Heureux mon pays, qui peut se passer de mes talens ! Pourquoi aussi n’êtes-vous pas nés à Bruxelles, à Namur, à Naples, à Florence, à Gotha, partout enfin, hormis sur cette belle et bonne terre de France, si hospitalière aux étrangers ? Parlons un peu à ce propos du Théâtre-Lyrique, qui est aussi peu protégé que les compositeurs français, parce qu’il est dirigé par un homme actif, intelligent, qui aime la bonne musique, le malheureux ! On y a repris le 26 septembre les Noces de Figaro, et ce chef-d’œuvre de grâce, de sentiment, de science et d’invention n’a rien perdu de sa jeunesse et de son charme éternels. Mme Carvalho chante toujours avec une rare perfection tous les morceaux du rôle de Chérubin, qu’elle joue avec esprit ; Mme Ugalde continue à prêter à celui de Suzanne plus de verve et de mordant que de bon goût, tandis que le personnage important de la comtesse a servi de début à une femme inconnue jusqu’ici. Mlle Marie Sax, qui a une très belle voix de soprano et qui ne sort pas du Conservatoire. D’où sort-t-elle donc ? Nous oserons le dire, parce que cela fait honneur à l’artiste et au directeur qui a su apprécier son talent. Mlle Sax, qui a voulu s’abriter sous ce nom de guerre, sort d’un café chantant. On pense bien que ce n’est pas dans un pareil établissement lyrique que Mlle Sax a pu apprendre à chanter, mais elle y a conservé sa belle voix et développé un instinct qui ne demande qu’à être dirigé par de bons conseils. C’est une bonne acquisition pour le Théâtre-Lyrique que Mlle Sax.

Les Petits Violons du Roi, opéra-comique en trois actes, poème de M. Henri