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perspectives. La lecture des dépêches de l’ambassadeur anglais, M. Bruce, a montré, et que la diplomatie occidentale n’avait point ménagé avec assez de prudence les susceptibilités chinoises, et qu’une lutte avec le Céleste-Empire ne présenterait pas des difficultés médiocres. Plusieurs membres du cabinet anglais actuel avaient été vivement opposés à la guerre qui avait abouti au traité de Tien-Tsin, aujourd’hui déchiré. Ce sont surtout M. Gladstone, M. Milner Gibson et lord John Russell, qui avaient été dans cette circonstance les adversaires de lord Palmerston. Il est probable que des efforts sont faits dans cette section du ministère anglais pour détourner, si c’est possible, une nouvelle guerre. Tout ce qu’obtiendra ce parti de la paix chinoise, ce sera un ajournement ; avec ces nations orientales qui veulent rester impénétrables, et que l’activité religieuse et commerciale de l’Europe harcèle et perce de toutes parts, pendant bien longtemps encore il faudra souvent revenir à l’argument du canon. e. forcade.




LES VŒUX ET LES INTÉRÊTS DE L’ITALIE CENTRALE.


Les affaires d’Italie ont traversé depuis six mois des phases si précipitées et si diverses qu’il devient souvent difficile, même pour les esprits les plus sagaces, de ne pas perdre de vue les causes primitives et les vraies tendances du mouvement actuel de la péninsule. Il y a malheureusement en Europe tant de passions et d’intérêts différens qui s’agitent, ces intérêts et ces passions se lient si intimement à tout ce qui se fait en Italie, que le trouble ne fait que s’accroître à mesure que les choses marchent sans arriver à une solution, et qu’on n’a jamais trop fait pour éclairer l’opinion publique. Si je viens ajouter un mot à mon tour ici, où notre cause n’a trouvé que des sympathies et des conseils pleins de cordialité, j’espère qu’on ne prendra pas en défiance le patriotisme ardent qui doit nécessairement m’inspirer, moi Italien, d’autant plus que je voudrais écarter toute déclamation, et procéder avec la rigueur à laquelle m’ont accoutumé les études de toute ma vie. Tout le monde sait aujourd’hui ce qu’a été l’histoire de l’Italie depuis quarante ans. C’est une lutte incessante, soutenue sous des formes diverses, mais avec des forces croissantes en nombre et en intensité, entre les peuples de la péninsule aspirant à la liberté et à l’indépendance et l’Autriche comprimant constamment ces aspirations par ses armées, par sa prépondérance dans les conseils de la plupart des princes italiens. On a vu des conspirations, des tentatives d’insurrection, plus tard l’impulsion générale donnée à l’esprit public par le parti libéral modéré, enfin le triomphe de ce parti, les constitutions et la guerre nationale de 1848. C’est toujours le même mouvement ascendant qui gagne tout le pays, et dont les conséquences se dessinent depuis longtemps à tous les regards en Europe comme en Italie. Le sens et le dernier mot de cette lutte étaient résumés récemment avec une frappante précision dans la proclamation impériale qui plaçait l’avenir de la péninsule dans cette alternative suprême : « Il faut que l’Autriche domine jusqu’aux Alpes, ou que l’Italie soit libre jusqu’à l’Adriatique. »