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serait pas considérable, et on pourrait l’affronter. Peu à peu l’équilibre se rétablirait de soi et par la force des choses, comme cela s’est fait dans la première période des découvertes, comme cela surtout a eu lieu depuis, par suite d’une abondance plus grande des métaux précieux. Mais le danger réel, imminent, c’est un défaut de balance dans la production de ces métaux. Tandis que celle de l’or dépasse toute croyance, celle de l’argent reste stationnaire, et le rapport qu’ont fixé entre eux la loi et les habitudes devient de plus en plus une fiction. D’un autre côté, si l’or afflue sur notre marché, l’argent chaque jour s’en éloigne, ce qui nous constitue doublement en perte, perte sur l’or qu’on nous apporte, perte sur l’argent qu’on nous enlève. Il pourrait même arriver que, dans cette rafle exécutée sur l’argent, on ne nous en laissât pas la quantité nécessaire pour servir de monnaie d’appoint, ce qui occasionnerait de graves embarras dans la circulation et les échanges. Voilà ce qu’il faut voir et prévenir. Par quels moyens ? M. Michel Chevalier va sur-le-champ au plus décisif. Au lieu de deux étalons monétaires, il voudrait n’en conserver qu’un seul : ce serait l’argent, moins déprécié et moins dépréciable. L’or, même monnayé, redeviendrait simplement une marchandise dont le prix serait débattu de gré à gré et soumis aux fluctuations de la rareté et de l’abondance, ou bien dont le cours public serait fixé et modifié de temps à autre, comme cela se pratique dans des pays voisins.

Il est impossible de nier ce qu’il y a de sérieux dans ces observations : c’est l’impression qu’en ont reçue ceux même qui les ont le plus vivement réfutées, et entre autres un homme de cœur et de bien dont la perte a causé un vide dans nos rangs, M. Léon Faucher, qui s’en est occupé dans la Revue même. Je ne recommencerai pas cette réfutation, et n’ajouterai que peu de mots sur le point capital. Oui, le danger existe, mais n’y en aurait-il pas un plus grand dans les moyens proposés ? Par de savantes recherches, M. Michel Chevalier établit péremptoirement que le rapport de la valeur entre les deux métaux précieux a souvent varié, que, suivant les lieux, les temps, les circonstances, il a oscillé entre 1 : 9 et 1 : 18, d’où il conclut qu’en présence d’un écart pareil, toute prétention d’astreindre l’or et l’argent à un rapport fixe est en désaccord avec les faits et devient inadmissible. Cela est juste pour la valeur réelle, effective ; mais à côté de la valeur réelle il en est une autre dont l’auteur ne tient pas assez compte : c’est la valeur légale, la valeur de convention si l’on veut, qui heureusement a été moins inconsistante. Le mérite de cette valeur légale est d’assurer le repos, que la valeur réelle ne donnerait pas ; sa vertu la plus évidente, c’est qu’elle n’est ni à discuter ni à débattre. Sans doute cette valeur légale doit