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détails dans lesquels nous venons d’entrer doivent faire comprendre combien l’église méthodiste, dès son origine, se trouva merveilleusement propre à subvenir aux besoins spirituels des émigrans : elle seule alors était organisée de façon à suivre pas à pas cette population, mobile, et à porter l’Évangile jusque dans la cabane la plus lointaine. Elle seule pouvait être présente partout où s’ouvrait une tombe ou s’emplissait un berceau, partout où s’éveillaient dans une conscience une aspiration vers le ciel et le besoin de prier. Aussi peut-on dire véritablement qu’elle a été par excellence l’église de l’ouest. Les autres sectes se sont avancées vers le Mississipi, à mesure qu’un certain nombre de leurs adhérens se mêlait au flot de l’émigration : le méthodisme seul a exercé une influence sérieuse sur la foule des émigrans, et c’est à lui que le gros des populations actuelles de l’ouest doit son instruction et ses croyances. En faisant la part des institutions, il serait injuste de ne pas faire celle des hommes. Les premiers prédicateurs méthodistes montrèrent ce zèle, cette ardeur, cette puissance d’action sur les masses, qui semblent l’apanage des fondateurs de secte, et qui sont le fruit du désintéressement et de la conviction. Asbury, Lee, M’Kendree, par leurs travaux vraiment évangéliques, par leur persévérance à toute épreuve, par leur pauvreté et par leurs souffrances, durent paraître à leurs contemporains les dignes successeurs des apôtres. Il était impossible en effet de porter plus loin le renoncement à soi-même, et de se dévouer plus complètement au salut de ses semblables.

Francis Asbury, le véritable fondateur du méthodisme américain, était né à Handsworth, près de Birmingham, le 20 août 1745. D’un caractère naturellement sérieux, et qui l’avait fait surnommer le curé par ses camarades d’enfance, il se convertit au méthodisme dès l’âge de treize ans, et à seize ans il était déjà exportateur. À vingt-deux, il devint prédicateur itinérant, et quatre ans plus tard Wesley, qui avait conçu de lui une haute opinion, l’envoya en Amérique. Il ne devait plus revoir sa patrie, quoiqu’il eût laissé dans son village une vieille mère aux besoins de laquelle il continua de pourvoir. Les autres missionnaires s’étaient bornés à prêcher dans les villes de la côte ; Asbury au contraire entreprit de répandre la parole divine dans les campagnes, et le succès dépassa toutes ses espérances. Aussi ne voulut-il point quitter l’Amérique, même au plus fort de la guerre de l’indépendance, et quand il se vit menacé et poursuivi par les autorités républicaines, il se réfugia chez un converti qui le tint caché jusqu’au jour où il reprit ses prédications. Il présida la conférence de Baltimore, où furent élaborées les institutions de la nouvelle église, et il fut chargé de veiller comme évêque à la mise en pratique de ces règlemens. C’était un homme