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équitable de ce différend importe au maintien d’une alliance sur laquelle reposent la paix et l’équilibre du monde.


I. — THÉATRE DES PÊCHES. — TERRE-NEUVE. — SAINT-PIERRE ET MIQUELON. — LE GRAND-BANC.

En face et à quelque distance du Canada, sur le côté oriental du golfe de Saint-Laurent, s’élève du sein des eaux la grande île triangulaire de Terre-Neuve, qui n’occupe pas moins de 5 degrés de longitude sur 6 de latitude ; on dirait une barrière destinée à fermer l’accès de l’Amérique septentrionale, tant elle se rapproche du continent par ses deux extrémités nord et sud-ouest. Au premier aspect, elle manque de tout ce qui peut attirer et fixer des habitans. Un voile de brumes épaisses fait redouter des écueils cachés. Les sombres contours des côtes tantôt se creusent en cavernes où s’engouffrent les vagues avec de sinistres mugissemens, tantôt se hérissent en rocs abrupts et nus. Si une plage unie se déploie entre les accidens du rivage, elle n’est couverte que de galets et de sables. Au dehors, tout révèle une nature plus sauvage que généreuse, et l’intérieur ne modifie point cette impression. Les montagnes ombragées de maigres forêts de sapins et de bouleaux, la terre granitique couverte d’un tapis verdoyant de mousse humide, ne promettent rien à la culture. Des lacs et des rivières aux eaux enchaînées par la glace charment plus le peintre que l’industriel. En face de ce tableau sévère jusqu’à la tristesse, l’homme se demande si des semences résisteraient à un froid de 15 à 20 degrés pendant l’hiver, si les pâles rayons d’un soleil d’été mûriraient les récoltes.

À quelques lieues au sud de Terre-Neuve, Saint-Pierre et Miquelon paraissent plus déshérités encore. Bien qu’une climature un peu moins rude y prolonge l’automne jusqu’en novembre et éveille le printemps en avril, les conditions agricoles y sont pires encore que dans la grande île. À Saint-Pierre, qui a seulement 2,600 hectares de superficie, le sol n’est guère qu’un rocher recouvert d’une couche de tourbe, et les petites vallées qui séparent les éminences montagneuses sont presque partout remplies par des étangs. Miquelon, autrefois divisé en deux par un canal que les envasemens de la mer ont comblé, présente une plus grande étendue de territoire (de 15 à 16,000 hectares), il possède aussi des plaines et des pâturages favorables au bétail ; mais ses landes paraissent bien peu productives, et le froid y est des plus rigoureux.

Dans ces mornes solitudes, dont l’aspect annonce le seuil des régions arctiques, l’âpreté du climat est moins due à la position géographique, car Terre-Neuve est sous la même latitude que le nord