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et injustes contre le christianisme, de l’humeur contre saint Athanase, dont l’ascendant sur la population d’Alexandrie ne convenait pas mieux à un despote païen qu’à un despote chrétien, pas plus à Julien qu’à Constance ; nulle part je ne vois incitation au massacre. Il faut le reconnaître, ce n’était point là le caractère de Julien. Son dépit contre les chrétiens, et il en ressentait beaucoup, se traduisait autrement, et d’une manière bien honorable pour eux, dans une lettre adressée à un grand-pontife de Galatie. Julien y rend hommage à leur charité par ce dépit même. Voulant rivaliser avec eux d’aumônes, voulant instituer à leur exemple des maisons d’asile pour les étrangers, de véritables hôpitaux, il disait : « Il est honteux de voir que les impies galiléens nourrissent non-seulement leurs pauvres, mais les nôtres. » Les efforts de l’empereur païen pour ranimer une religion morte, le déplaisir que lui causait la décadence irrésistible du paganisme, et l’impatience que faisait naître chez les païens l’austérité de l’empereur, ces luttes d’une corruption enracinée et d’une réforme impossible sont décrites par M. de Broglie dans un morceau brillant et vrai, comme il s’en trouve dans son histoire, car cette histoire, écrite toujours avec une mâle fermeté, renferme des pages, et en grand nombre, auxquelles ne manquent ni l’imagination ni le colons. Pour l’élévation de l’esprit et la générosité du cœur, elles ne font jamais défaut.

M. de Broglie a parlé de Julien comme de Constantin, avec un désir sincère d’impartialité. Du premier, il n’a tu ni les faiblesses, ni les fautes, ni les crimes ; du second, il n’a dissimulé ni les bonnes qualités ni les vertus. Cependant, si le récit est impartial, je ne puis m’empêcher de regretter que des sympathies ou des antipathies, dont il n’était pas maître aient arrache à l’auteur quelques expressions trop indulgentes pour celui auquel il ne pouvait s’empêcher de porter de la reconnaissance, et trop sévères pour celui qu’il se rappelait par moment devoir maudire. Le mot de génie revient assez souvent dans le récit en parlant de Constantin, et je ne trouve rien dans la vie de ce prince habile et cruel qui en justifie l’emploi. Il fut poussé à embrasser le christianisme par sa conviction et par les circonstances. Rien ne montre qu’il ait senti la portée historique de ce grand acte. La persécution n’était plus possible après ses redoublemens désespérés et impuissans sous Dioclétien. Le dernier empereur païen, Maxence, avait rendu un édit de tolérance. La terreur, arrivée au comble, devait s’arrêter, comme après Robespierre le 9 thermidor devait arriver. Si Tallien et ses amis n’en eussent pris l’initiative, d’autres l’auraient prise. J’oserai presque dire que le terme était venu de la terreur païenne, et que Constantin en fut le Tallien.