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son centre. Ceux-ci formaient le parti de la cour et remplaçaient les eusébiens. Un tel parti ne pouvait mourir. Ces modérés s’inquiétèrent bientôt des témérités d’Aétius, qui refusait à la seconde personne de la Trinité non-seulement l’égalité avec la première, mais la ressemblance, disant que le Fils n’était pas même l’image du Père et détruisant ainsi l’idée du Verbe chrétien et le christianisme. Tant d’audace n’allait pas à leur prudence. Les hommes avant tout favorables au pouvoir n’aiment guère les croyances absolues, qui ont toujours une certaine indépendance. Constance ne manqua pas d’intervenir en faveur du juste-milieu de l’arianisme, de ceux qu’on appelait les semi-ariens. Telle fut dès ce moment la profession de foi officielle, et il ne fut plus permis, si l’on ne voulait déplaire au maître, d’aller au-delà ou de rester en-deçà de la ligne étroite que son infaillibilité théologique avait tracée. Un des hommes qui ont paru avec le plus de gloire dans ces débats, saint Hilaire de Poitiers, s’empressa de profiter de cette division qui se manifestait dans le camp arien. Par une tactique habile, il essaya d’attirer à l’orthodoxie les semi-ariens. Les ardens l’accusèrent, entre autres Lucifer de Cagliari, un de ces hommes qui mettent en péril par leur impétuosité les combinaisons politiques des partis ; mais la violence n’est pas toujours de la fermeté. On le vit bien au concile de Rimini, où les évêques d’Occident, après avoir bouché leurs oreilles pour ne pas entendre la profession de foi que l’empereur leur proposait d’admettre, finirent par céder aux obsessions des partisans de la cour, et signèrent ce qu’on voulut pour pouvoir retourner chez eux. D’un autre côté, saint Hilaire, le plus modéré des orthodoxes, dans un concile d’Asie composé d’évêques orientaux presque tous contraires à la foi de Nicée, soutint énergiquement l’intégrité de cette foi, et grâce à l’habileté qui s’unissait chez lui à la vigueur du caractère, comme le prouvent ses écrits, il parvint à les ramener, sinon aux expressions mêmes du concile de Nicée, du moins à une formule qui en était beaucoup plus voisine que la formule proposée au nom de l’empereur. L’envoyé impérial fut fort mécontent et prononça la dissolution d’une assemblée indocile. « Allez, dit-il brutalement aux évêques, allez dans vos églises, et criez là tout à votre aise, » leur témoignant un mépris qu’il n’aurait pas exprimé s’ils l’eussent mérité. Cependant les membres du concile se transportèrent à Constantinople, où les débats allaient recommencer, quand on apprit la défection des pères de Rimini. Ce fut un coup terrible pour les orthodoxes orientaux : la majorité céda, la minorité fut châtiée de sa résistance, car Constance était de ceux qui soumettent une cause à un tribunal et punissent ensuite les juges de leur jugement.

L’irritation de saint Hilaire fut grande. Par un calcul bien intentionné,