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L’empereur prit dès le principe une part active à ce débat. Après avoir écrit à Arius et aux ariens une lettre d’une orthodoxie plus zélée qu’exacte, pleine d’argumentations et de menaces, il fit comparaître Arius et lui fit jurer de ne plus retomber dans ses erreurs, à peu près comme il eût imposé à un sujet rebelle un seraient de fidélité. Le serment d’Arius n’ayant rien terminé, Constantin eut l’idée plus heureuse d’assembler un concile universel. Ce fut le fameux concile de Nicée. La grande lutte de l’arianisme est dans son ensemble supérieurement traitée par M. Albert de Broglie, et comme elle n’avait pu l’être jusqu’ici, car, outre l’intelligence des questions théologiques et le sentiment de leur importance dogmatique, conditions qu’eût difficilement réunies un historien purement philosophique, le nouvel historien religieux a pu faire ce qui était impossible aux historiens religieux qui l’avaient précédé. Venu après le temps de nos débats parlementaires, dont il trouvait à son foyer les plus illustres souvenirs, il lui a été donné de saisir le mouvement de cette chambre représentative de la chrétienté qui s’appelait un concile, le jeu des partis qui s’y agitèrent : il a pu peindre au vif, et comme d’après nature, les séductions du pouvoir, les emportemens de la résistance, la complaisance ambitieuse des courtisans comme l’un et l’autre Eusèbe[1], l’inflexibilité courageuse de saint Athanase, ce grand chef d’opposition théologique, cet indomptable tribun de la foi.

Constantin, sur un siège d’or, inaugura la réunion en prononçant un véritable discours du trône, et ouvrit la session. Arius, avec une absence de ménagemens qui prouvait sa sincérité, fit une profession de foi très franche et très hardie. Il parla en chef de parti. Les deux Eusèbe agirent en hommes de parti. Se gardant bien de s’expliquer aussi nettement qu’Arius, ils travaillèrent à obtenir du concile une déclaration ambiguë qui permit les interprétations, et dans laquelle, parmi des expressions très orthodoxes, ils en glissèrent une qui ne l’était point du tout, appelant le fils de Dieu, engendré ayant tous les siècles, le premier né de la création. La contradiction n’avait pas frappé Constantin, mais on la lui fit remarquer, et le projet de déclaration fut renvoyé à une nouvelle discussion pour être amendé. Cette discussion sur l’amendement amena de la part des catholiques la proposition de ce fameux mot, consubstantied, imaginé par eux pour donner à l’expression du dogme de l’unité de substance des deux premières personnes de la Trinité toute la rigueur et toute la précision possibles. Ce mot, proposé par Osius, évêque de Cordoue,

  1. Eusèbe, évêque de Césarée, et Eusèbe, évêque de Nicomédie, tous deux dévoués à Constantin.