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à l’église d’Afrique un crédit sur le trésor impérial ; mais la puissance est comme la fortune, elle vend ce qu’on croit qu’elle donne, et à la fin de la lettre de Constantin était jetée en passant la prétention de réglementer les affaires de l’église d’Afrique. Constantin invitait Cécilien, évêque de Carthage, à y établir l’ordre en invoquant le concours de l’autorité civile. Il s’agissait des donatistes, hérétiques très violens, qui accusaient les évêques orthodoxes de tiédeur, et qui se hâtèrent d’envoyer leurs réclamations à Constantin. Constantin de son côté s’empressa de se faire arbitre. C’était le premier pas dans cette voie ; il fut fait avec une grande modération. Constantin convoqua un concile dans le palais de Latran, qui appartenait à l’impératrice. Le concile condamna les dissidens africains ; mais ceux-ci ne se tinrent pas pour battus, et à quelque temps de là ils intercédèrent de nouveau auprès de l’empereur. Autre embarras pour Constantin ; il convoqua un second concile : nouvelle condamnation des schismatiques, nouvelles réclamations. Ils demandaient à être jugés par l’empereur. Constantin commençait à perdre patience et à sentir dans quelles difficultés il s’était jeté. Après avoir beaucoup tergiversé, il confirma son premier jugement en faveur des orthodoxes, et voulut envoyer les chefs des donatistes au supplice. Les orthodoxes, soit dit à leur grand honneur, l’en empêchèrent, il est juste de le remarquer, en relevant avec l’auteur les traces de l’influence du christianisme qui se font sentir dans la législation, et qui sont un résultat cette fois heureux du contact de l’église et de l’empire. Malheureusement le christianisme, que Constantin introduisait dans ses lois, n’était pas encore entré bien avant dans son âme, car on le voit envoyer chercher un rival vaincu, son beau-frère Licinius, dans la retraite où il lui avait permis de vivre, et le faire étrangler.

À ce moment commence cette grande affaire de l’arianisme, qui remplit tout le reste du règne de Constantin, et dans laquelle se montra surabondamment la nécessité pour l’église de n’accepter qu’avec beaucoup de prudence la protection du pouvoir civil, de s’en défier toujours si elle ne veut pas être amenée à choisir entre les complaisances de la servitude et les rébellions de l’indépendance. Vainqueur du païen Licinius, Constantin donna aux chrétiens quelques temples païens à démolir ; mais bientôt ce ne fut plus le paganisme qui attira son attention : ce fut l’église chrétienne, divisée par la puissante hérésie d’Anus[1].

  1. On sait que cette hérésie, qui eut diverses phases et se subdivisa en diverses hérésies partielles, reposait sur une négation plus ou moins timide ou plus ou moins avouée de la divinité de Jésus-Christ, au moins de l’égalité entre la première personne de la Trinité et la seconde.