Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 22.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MICHEL-ANGE
D’APRÈS DE NOUVEAUX DOCUMENS


I. The Life of Michael Angelo Buonarotti, by John Harford, London 1858, 2 vol. — II. Le Vite de’ piu eccellenti pittori, etc., di Giorgio Vasari, tome XII, Florence. — III. Les Arts en Portugal, par le comte Raczynski, Paris 1846. (Manuscrit de François de Hollande.)



La grande ère de l’art moderne, l’époque merveilleuse de la renaissance, que nous pouvons embrasser aujourd’hui dans son ensemble, ne fut pas l’œuvre d’un jour : elle se distingue cependant des civilisations antiques en ce que son développement fut rapide, local, sans arrêt, et qu’elle succéda presque sans transition à la sinistre obscurité du moyen âge. Après dix siècles d’efforts inouïs et à peu près stériles, dans un ciel sillonné d’éclairs qui ne montrent guère que des ruines, elle éclate presque sans aurore, brillante comme un jour d’été. Telle est même l’abondance et la spontanéité de la vie nouvelle, qu’on a pu dire que, de morte qu’elle était, l’humanité venait de renaître, et saluer ce temps du nom glorieux qu’il a gardé. Un autre caractère plus important de cette époque, et qui la sépare également de l’antiquité, c’est que les œuvres sont plus que jamais individuelles et marquées du sceau de l’auteur. Je suis loin sans doute de contester l’existence personnelle d’Homère, de Zoroastre, ou du sculpteur anonyme des marbres d’Égine. J’ignore si le chantre de la guerre de Troie était aveugle; je ne sais ni dans quelle langue, ni dans quel lieu furent prononcées les sentences du plus ancien des sages ; le nom de l’architecte du temple de Jupiter panhellénien sera vraisemblablement toujours un mystère : ces obscurités ne me font point douter que ces œuvres n’appartiennent à des personnes distinctes, à des hommes qui ont vécu. Et pourtant je ne puis m’en dissimuler le caractère collectif et général. Les écoles dans l’antiquité représentaient les directions diverses de l’es-