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golfe du Mexique par une embouchure indépendante, et si le travail de l’homme n’y met obstacle, il est probable qu’avant peu elle s’isolera de nouveau. Déjà ce cours d’eau ne communique plus avec le Mississipi que par un large canal auquel on a donné le nom de Vieille-Rivière, et sans les travaux des ingénieurs louisianais, la navigation finirait par devenir impossible entre les deux fleuves.

Le nombre des bouches du delta mississipien change, on le devine, de siècle en siècle. Outre le Mississipi proprement dit, les branches du delta sont aujourd’hui l’Atchafalayah, le bayou Plaquemine et le bayou Lafourche ; les autres ont été supprimées par les atterrissemens du fleuve ou par le travail de l’homme. Il y avait jadis un autre large affluent, le bayou Iberville, qui se déversait dans la mer par les lacs Maurepas et Pontchartrain, et qui n’aurait pas manqué d’acquérir une grande importance commerciale, si on avait eu soin de l’entretenir ; mais de nos jours ce canal est presque oblitéré, et ne communique avec le lac Maurepas que pendant la période d’inondation. On dit que le général Jackson le fit obstruer quelque temps avant la bataille de la Nouvelle-Orléans, afin d’empêcher les Anglais de remonter par cette branche et de redescendre avec le courant du fleuve sur la capitale de la Louisiane ; cependant il paraît que les « embarras » d’arbres et les atterrissemens de vase avaient déjà commencé, il y a plus d’un siècle, à oblitérer l’entrée du bayou, et Jackson n’a eu tout au plus qu’à compléter le travail de la nature.

On comprend qu’après la déroute des Anglais personne ne se soit occupé de déblayer le sable et les troncs d’arbre que le général avait fait jeter à l’entrée du bayou, car alors le trafic était peu considérable ; mais depuis que le commerce dépense de si vastes capitaux pour augmenter le réseau de la navigation, on se demande comment il est possible de laisser cette bouche du Mississipi plus longtemps fermée. Il est probable que les capitalistes de la Nouvelle-Orléans se refusent à ouvrir une issue qui permettrait aux bateaux à vapeur du Haut-Mississipi d’aller directement à Mobile et à la Havane, et de cette manière ôterait à leur ville une grande partie de son commercé. Du reste, le projet qu’ils ne manqueront pas de mettre à exécution tôt ou tard est beaucoup plus avantageux. À quelques kilomètres au-dessous de la Nouvelle-Orléans, le fleuve se rapproche tellement d’un golfe de la mer appelé Lac-Borgne, qu’il semble presque vouloir s’y jeter ; un bayou navigable et facile à approfondir diminue encore de moitié la largeur de l’isthme qui sépare le Mississipi de la mer, de sorte qu’il suffirait de creuser une tranchée de 2 ou 3 kilomètres de longueur dans un sol extrêmement facile à travailler pour obtenir une large communication