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déposer la dictature et de rentrer dans la légalité constitutionnelle, où il retrouvera sa véritable force. Malheureusement la paix, arrivant brusquement au milieu des complications suscitées par les événemens des Romagnes, amène un changement regrettable dans le ministère piémontais. Nous n’aurions point pensé quant à nous qu’il fût aujourd’hui permis à M. de Cavour de céder à un sentiment de désappointement et de lassitude. Le gouvernement piémontais a devant lui de difficiles, urgentes et graves affaires, et pour les conduire à bonne fin, la sagacité, l’activité hardie et l’esprit de ressources de M. de Cavour nous paraissaient indispensables. Il faut associer le plus tôt possible la Lombardie à la vie politique du Piémont. Il faut veiller au nom de la Sardaigne, c’est-à-dire dans l’intérêt de l’Italie libérale, à la rédaction du pacte de la nouvelle confédération italienne ; il faut enfin que le Piémont se prépare auprès des gouvernemens italiens un système d’alliances qui le protège contre l’isolement au sein de la nouvelle confédération, ou, s’il ne réussit pas tout de suite à trouver des alliés sûrs parmi ses confédérés, qu’il tienne du moins avec une patiente fermeté le drapeau libéral qui attire au Piémont les sympathies des populations italiennes. Dans un mouvement comme celui où l’Italie est engagée, il n’est pas facile de trouver la monnaie d’hommes tels que M. de Cavour. On ne remplace pas aisément une pareille autorité morale acquise par plusieurs années d’incessans labeurs et de succès, et cette autorité nous paraissait appelée à rendre des services en un moment tel que celui-ci autant à la cause de l’ordre qu’à celle de la liberté. Nous ne croyons point pouvoir parler davantage aujourd’hui des conséquences que doit produire la paix actuelle sur l’Italie elle-même ; nous ne connaissons point encore suffisamment l’impression que les Italiens en ont ressentie. Une des circonstances, qui pourraient être le plus favorables à l’avenir de la péninsule serait une franche alliance entre le Piémont et Naples. L’on disait qu’au milieu de cette lugubre rébellion militaire qui a ensanglanté Naples, et délivrera peut-être à jamais ce pays du honteux service des mercenaires étrangers, que sous l’influence des difficultés qui assiègent un gouvernement nouveau auquel est échu un fâcheux héritage d’impopularité, une tendance prononcée vers une alliance piémontaise se manifestait parmi les meilleurs amis du roi de Naples. Une telle alliance serait féconde en biens de toute sorte pour l’Italie, et nous ne pensons point que, dans les circonstances actuelles, ce soit en Piémont qu’elle rencontre des obstacles.

Nous devons être également sobres de réflexions sur les résultats de la paix au point de vue de la France. Quant à nous, nous regardons la paix comme un bienfait. La guerre vient de donner au monde une preuve de la puissance française qui n’était point nécessaire assurément, car les étrangers ont peut-être plus que nous encore le sentiment de notre force, mais qui a été singulièrement agréable à notre orgueil national. Nous n’avons goûté en quelque sorte de la guerre que les douceurs de la lune de miel, des succès merveilleux et rapides, obtenus par nos soldats avec un entrain incomparable et une bonne humeur communicative sur des ennemis dignes d’estime ; mais le plus grand agrément d’une guerre, c’est qu’elle soit courte, et grâce à la paix, qui a eu pour elle le charme presque d’une surprise.