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Pour nous, qui n’avions point cru que les armes pussent donner une solution satisfaisante à la question italienne, nous n’aurions assurément point demandé la guerre pour arriver à l’affranchissement de Venise ; mais, la guerre ayant éclaté, nous regrettons profondément qu’elle se termine sans que Venise soit affranchie. La cause de Venise était sans contredit la plus populaire en France des causes diverses qui se débattent en Italie. La Vénétie n’est qu’une possession relativement très récente de la maison d’Autriche. La France sent instinctivement qu’elle a des torts à réparer envers la Vénétie, car c’est elle qui au traité de Campo-Formio, par un de ces caprices tyranniques que la guerre inspire trop souvent à ses favoris, a, au mépris du droit des gens, livré à l’Autriche la république indépendante de Venise. Les sympathies de la France pour Venise s’étaient accrues depuis 1848. Venise était en effet la partie de l’Italie qui, par la fermeté de sa résistance, avait fait alors le plus d’honneur à la révolution italienne ; elle succomba, et son digne représentant, M. Manin, avait parmi nous fait rejaillir sur sa patrie la considération universelle dont il était entouré. Nous regrettons sincèrement que la guerre actuelle ne nous ait pas permis de réparer nos torts envers Venise. Il est vrai que la Vénétie, restée sous le sceptre de l’Autriche, fera partie de la confédération italienne ; mais il ne nous paraît guère probable que la confédération qu’il s’agit d’organiser s’arroge des droits fort étendus sur l’administration intérieure des diverses souverainetés dont elle sera formée. Tout l’espoir de la Vénétie doit donc en ce moment se tourner vers l’empereur d’Autriche. Dieu veuille que cet empereur comprenne que la Vénétie est digne de la liberté, et qu’il lui accorde des institutions libérales ! Certes l’empereur François-Joseph obéirait à une inspiration généreuse, et montrerait une véritable intelligence du présent et de l’avenir, si, satisfait dans son amour-propre personnel d’avoir rajeuni par le traité de Villafranca ses droits sur la Vénétie, il rendait généreusement de lui-même l’indépendance à cette province en plaçant à sa tête une dynastie autrichienne dont son frère l’archiduc Max serait le chef ; mais l’Autriche saura-t-elle saisir cette occasion unique de faire elle-même directement sa paix avec l’Italie ?

La cession de la Lombardie au Piémont est certainement conforme à l’objet général de la guerre. Le Piémont, qui, seul parmi les états italiens, avait eu le courage de prendre en main la cause de l’indépendance nationale, devait sortir de la lutte agrandi. Le Piémont n’obtient évidemment point tout ce qu’il avait espéré. Les annexions des duchés, qu’il s’était peut-être trop hâté de proclamer, demeurent non avenues. Cependant, pour parler le langage de l’ancienne politique, il détache cette fois un gros morceau de l’artichaut qu’il est destiné à manger feuille à feuille : il nous paraît probable, en effet, qu’il aura avec la Lombardie les forteresses de la ligne du Mincio, Peschiera et Mantoue, car la possession de la Lombardie serait illusoire, si l’Autriche en gardait les clés. Les souverains des duchés renversés par les derniers mouvemens n’auront fait qu’une courte absence et rentreront apparemment dans leurs états, puisque la proclamation impériale du 12 juillet exprime l’espoir que « les gouvernemens restés en dehors du mouvement ou rappelés dans leurs possessions comprendront la nécessité des réformes sa-