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trop fins pour elle, et ils agissent beaucoup sur les délibérations... Sept fédéralistes votant toujours en phalange, réunis à quelques républicains, les uns mécontens, les autres équivoques, les autres capricieux, ont assez souvent formé une majorité pour nous créer de vrais embarras, si bien que j’ai peur de leur soumettre, à la session prochaine, le traité, quel qu’il soit, que nous pourrons conclure avec l’Angleterre ou avec l’Espagne. » Au mois de février 1807, c’était dans la chambre des représentans que le président sentait et regrettait l’absence du même M. Nicholas. « Jamais il n’a été plus urgent de faire appel à votre patriotisme. Sauf les fédéralistes, qui seront vingt-sept, et la petite bande des schismatiques, qui sera réduite à trois ou quatre (mais tous des langues, all tongue), la chambre des représentans est l’assemblée la mieux disposée qui se puisse voir. Malheureusement il ne s’y trouve personne dont le talent et la position réunis aient assez de poids pour en faire un chef. En conséquence, personne ne se charge de faire les affaires publiques, et elles ne se font pas! » Aussi faiblement composé, le congrès ne pouvait ni exercer sur le pouvoir un contrôle efficace, ni lui être d’un sûr appui. Habituellement soumise jusqu’à la servilité aux moindres désirs du président, la majorité manquait parfois tout à coup à son appel; elle pouvait se prêter sans examen aux actes les moins raisonnables et les plus vexatoires de l’administration, et s’associer sans mauvais vouloir systématique aux plus perfides manœuvres des opposans, toujours prompte à rentrer dans l’obéissance, mais toujours impuissante à effacer l’atteinte portée par ses caprices à l’autorité morale du chef de l’état.

La nation était comme le congrès : comme lui, elle était à la fois très attachée à son gouvernement et très exposée à se laisser surprendre. Ce fut ainsi qu’il put suffire au hardi flibustier que les États-Unis avaient eu un instant pour vice-président, le colonel Burr, d’affirmer que l’administration l’encourageait secrètement à diriger une expédition sur le Mexique pour entraîner beaucoup de bons citoyens dans une folle et mystérieuse aventure qui paraît avoir eu pour but principal le soulèvement des états de l’ouest et le pillage de la banque de la Nouvelle-Orléans (1806-1807). Dès qu’une proclamation de Jefferson eut mis le pays en garde contre les factieux desseins de Burr, la sympathie que ce petit Catilina avait rencontrée dans l’ouest fit place à une terreur panique. Jefferson crut pouvoir s’appuyer sur cet honnête mouvement d’effroi pour donner à la répression de la misérable échauffourée par laquelle le meurtrier de Hamilton couronnait sa carrière une solennité exceptionnelle; il demanda donc au congrès la suspension de l’habeas corpus. Le sénat la lui accorda d’urgence et à l’unanimité; mais à peine le sénat