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connaissance des intérêts de son pays, des actes de son gouvernement, des événemens de son temps. S’il est heureux de son sort, s’il est fier de sa condition, il ne trouvera pas dans cette initiation aux affaires de l’état et du peuple des motifs de haine et d’impatience; il apprendra à ressentir plus distinctement, plus fidèlement, les joies et les douleurs de la patrie. Il saura mieux enfin quelle est la raison des lois qu’il observe, des mesures qu’il exécute ou qu’il subit, de ses sacrifices, de ses épreuves, des revers ou des triomphes dont le bruit vient jusqu’à lui. Il aura sa part de tout et nationalisera son égoïsme. S’il est appelé par la loi au droit de suffrage, ce ne sera plus une formalité qu’il accomplit avec indifférence; ce sera un acte sérieux de sa vie. Le peuple, que Montesquieu trouve admirable quand il doit élire, ne peut l’être que s’il sait ce qu’il fait en élisant, et la publicité seule vient en aide à son discernement.

Nous n’avons parlé du pouvoir électif que comme d’un censeur éventuel des abus ou des fautes; mais une assemblée envoyée par la nation, tout imprégnée de l’opinion publique, ne peut-elle être constituée par la loi de façon à devenir ce qu’étaient dans les anciennes républiques les assemblées du peuple? Ne peut-elle consentir l’impôt, voter les lois, délibérer sur les grands intérêts de l’état? Formée au sein de la publicité, elle délibérera publiquement, et elle ouvrira elle-même une grande école où la nation s’instruira de ses affaires. Les enseignemens de la presse seront contrôlés par les leçons de la tribune. Sans doute la discorde pourra naître entre le pouvoir électif et le pouvoir qui ne l’est pas; mais tout jusqu’à présent nous a fait concevoir un ordre de choses dans lequel l’unité de l’intérêt de l’état et du sentiment public tende à s’établir et à se manifester. Elle pénétrera, elle éclatera dans le gouvernement même, si, par des artifices constitutionnels bien connus aujourd’hui, l’exécution et la délibération, l’initiative et le contrôle, la responsabilité et la discussion peuvent aboutir à l’union des trois pouvoirs dans une seule politique. On ne fait point ici un cours de système représentatif; on ne veut qu’indiquer comment les garanties réclamées d’abord dans l’intérêt du citoyen peuvent également servir aux intérêts de l’état, et les sauvegardes de la liberté devenir des moyens de gouvernement. Publicité, élection, représentation, discussion, responsabilité, délibération, et enfin concours, voilà tout à la fois le fond de la liberté politique et de la nationalité dans le gouvernement.

Ainsi, en changeant de point de vue, nous n’avons pas changé de système. Ce qui nous avait paru bon pour l’individu s’est trouvé bon pour l’état. Le droit commun du gouvernement libre, ce n’est