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mier de la création. C’est donc à lui conserver ces caractères que tout doit concourir. La société ne saurait avoir pour droit ni pour œuvre de les détruire, et si elle exige de lui quelques sacrifices, ce ne peut être que pour sauver, pour garantir, pour mettre plus en relief tout ce qu’elle lui conserve de liberté, de raison, de moralité. Ceux qui ont dit que la liberté n’était qu’une exception, qu’une négation, ceux qui n’ont pas vu en elle une réalité et un principe s’exposaient à être démentis par le premier fait social venu. En tout pays, par exemple, la justice criminelle suppose des lois, des formes, des tribunaux. Pourquoi? Parce que le fond de l’humanité, c’est la liberté. Si c’était la communauté, tant de complication serait inutile. La force d’une police arbitraire, indistinctement préventive, suffirait au but de la justice criminelle. Elle empêcherait parfaitement bien le mal et le danger. Pourquoi nulle part ne se contente-t-on de cette grossière façon de garantir la sûreté publique? Parce qu’il y a une justice, parce que la liberté de l’innocent est inviolable, parce que l’on ne peut disposer des êtres libres comme des animaux dangereux ou des forces mécaniques, parce que les conditions primitives de la nature humaine sont des droits sacrés qui passent avant l’intérêt de la sûreté publique.

De ces vues générales, l’auteur, suivant un ordre qui ne se motive pas de lui-même, quoiqu’il ne manque ni de clarté ni de liaison, passe à l’examen de deux principes, la liberté et l’autorité. Pour connaître l’une, il se jette au milieu des faits, et il écrit l’histoire de la liberté dans notre pays. Il entend par là l’exposition de ce que la révolution de 1789 a dû faire contre l’ancien régime. Pour traiter de l’autorité, il expose les trois manières d’en exagérer le principe en le rendant exclusif. Les uns pensent que la tradition consacre tout ce qu’elle établit, et que le pouvoir a droit à toutes les attributions qu’il possède du fait de l’histoire. Les autres estiment que la justice et la nécessité d’une réforme arment ceux qui l’entreprennent d’un pouvoir au moins égal à celui qu’ils veulent détruire et remplacer, et que du droit de la révolution naît la toute-puissance. D’autres enfin, croyant apercevoir qu’une amélioration est l’accompagnement presque immanquable de tout acte ou même de tout abus d’autorité, consentent à subir les charges en faveur des bénéfices, et reconnaissent la souveraineté absolue de l’état comme l’agent le plus actif et la condition nécessaire de la civilisation. C’est à ces trois genres d’absolutisme que M. Simon déclare la guerre, et quoiqu’il n’en ménage aucun, c’est assurément au despotisme révolutionnaire ou socialiste qu’il réserve ses plus redoutables coups.

L’autorité exagérée, exclusive, illimitée, peut blesser la liberté