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raine, c’est-à-dire une de nos plus belles provinces. « Depuis la paix de Vienne, dit le grand Frédéric dans l’histoire de son temps, la France était l’arbitre de l’Europe. Ses armées avaient triomphé en Italie comme en Allemagne; son ministre à Constantinople, le comte de Villeneuve, avait conclu la paix de Belgrade entre l’Autriche et la Turquie. Par cette paix, l’empereur Charles VI cédait à l’empire ottoman le royaume de Servie, une partie de la Moldavie et la ville de Belgrade. » L’Autriche alors reculait partout, en Italie et sur le Danube.

Une seule chose avait pu décider l’empereur Charles VI à signer ces traités de Vienne et de Belgrade, désastreux pour l’Autriche : c’était l’espoir de faire reconnaître sa pragmatique sanction par les diverses puissances de l’Europe et d’assurer ainsi la succession de ses états à sa fille Marie-Thérèse. Il cédait des provinces et obtenait des promesses. Il mourut; l’Europe sembla s’unir tout entière pour dépouiller Marie-Thérèse. Nous ne nous occuperons de la guerre de la succession d’Autriche que dans ce qui touche à l’Italie. L’Espagne voulait prendre la Lombardie et en faire une principauté pour l’infant don Philippe : le roi de Sardaigne s’opposa à cette prétention et s’arma pour défendre le Milanais autrichien contre les Espagnols, ne voulant point avoir près de lui une dynastie espagnole, réservant pourtant toujours ses projets sur le Milanais, et stipulant même, dans la convention qu’il fit le 1er février 1742 avec Marie-Thérèse, que, s’il défendait l’Autriche dans le Milanais, l’Autriche ne pourrait tirer aucune conséquence de cette défense contre les droits que le roi de Sardaigne avait, disait-il, sur le Milanais. En même temps que le roi de Sardaigne réservait ses droits à venir sur le Milanais, il demandait à Marie-Thérèse la récompense du service qu’il lui rendait en défendant ses états d’Italie contre l’Espagne, et comme on ne savait où prendre la récompense qu’il réclamait, Marie-Thérèse lui céda le marquisat de Final, qui appartenait aux Génois. Je dois faire ici une observation qui a peut-être son à-propos.

En lisant l’Histoire des Traités de paix de M. Le comte de Garden, j’ai remarqué que dans tous les traités la question des dédommagemens est une question très importante. On appelle dédommagemens les cessions de territoire qu’obtient le vainqueur, et qui ne se prennent pas toujours sur les possessions du vaincu. Souvent même, dans les traités de paix, il n’y a pas absolument parlant de vainqueur et de vaincu : il va deux ou plusieurs puissances également épuisées par la guerre et qui veulent en finir; mais comme l’ambition survit ordinairement à la lassitude, on cherche de quoi satisfaire cette ambition, et, ne pouvant pas prendre la satisfac-