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leur sûreté et l’intérêt de leurs états que pour former enfin un juste équilibre, qui seul peut établir le repos universel et tirer particulièrement les princes d’Italie de la dangereuse situation où ils sont. » — En quoi, dira-t-on, la part décisive que l’Autriche prenait à l’élection du roi de Pologne compromettait-elle les princes d’Italie? — L’Autriche, devenue prépondérante au nord, en Pologne, était plus à son aise pour l’être au midi, en Italie. De même de nos jours, sans vouloir abuser des rapprochemens, la prépondérance que l’Autriche affectait en Orient, et particulièrement en Servie, dans les principautés et à Constantinople, la rendait plus redoutable en Italie et plus suspecte en Europe.

L’article 2 du traité de 1733 déclare que la France et la Sardaigne attaqueront le Milanais; mais la France promet de ne point attaquer l’Autriche dans les Pays-Bas. C’est le territoire réservé, comme aujourd’hui le territoire de la confédération germanique. La guerre de 1733 a aussi la prétention de se localiser dans l’Italie; elle y resta en effet. La France fit la guerre à l’Autriche sans l’attaquer dans les Pays-Bas, qui étaient alors autrichiens, mais qui étaient surveillés par la jalousie de la Hollande et de l’Angleterre, toujours disposées, depuis Louis XIV, à soupçonner l’ambition de la France. Cette habile réserve fit le succès de la guerre et le prompt retour de la paix.

La France, par l’article 3, promet au roi de Sardaigne de lui procurer la possession du Milanais tout entier, et elle promet en même temps, dans l’article 6, de ne faire et de ne garder aucune conquête en Italie. Cet engagement est remarquable. L’exclusion de l’Autriche et de la France, c’est-à-dire l’affranchissement de l’Italie de la domination étrangère, est le principe de la guerre de 1733 comme de la guerre de 1859. De nos jours aussi, le gouvernement français a promis de ne faire aucune conquête en Italie, de ne chercher aucun agrandissement.

Les articles secrets du traité de 1733 expliquent encore mieux le projet d’exclure l’Autriche de l’Italie. « Le roi très chrétien et le roi de Sardaigne, dit le premier article du traité secret, ont considéré qu’on assurerait mieux la tranquillité publique et le repos de l’Italie, si l’on excluait la maison d’Autriche non-seulement du duché de Milan, mais aussi des royaumes de Naples et de Sicile et des ports de Toscane... » En conséquence ils s’adressent à l’Espagne et lui proposent de s’emparer du royaume des Deux-Siciles. L’Espagne à ce moment était toujours prête à reconquérir tout ce qu’elle pouvait de l’ancienne monarchie espagnole, et à faire des établissemens pour les fils de la reine Elisabeth Farnèse. Elisabeth avait déjà obtenu Parme et Plaisance pour son fils don Carlos ; elle ne demandait pas mieux que de conquérir pour lui le royaume des Deux-Siciles.