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triche et corriger les mauvais effets du traité d’Utrecht. En 1733, une nouvelle phase commence avec l’ouverture de la succession de Pologne. Toutes les fois que l’Italie s’agite, l’Europe est inquiétée et troublée; mais toutes les fois aussi que l’Europe est troublée quelque part, l’Italie est en jeu. C’est le destin de la société européenne que, faisant vraiment corps, la secousse que ressent un membre se communique à tous les autres. Les guerres se localisent quand elles commencent; elles s’étendent dès qu’elles durent.

Auguste II, roi de Pologne, venait de mourir. La France favorisait l’élection de Stanislas Leczinsky, que Charles XII avait déjà fait nommer roi de Pologne, qui avait perdu sa couronne quand Charles XII avait été vaincu, mais qui depuis était devenu, par un des plus singuliers hasards du sort, beau-père de Louis XV. La Russie et l’empereur Charles VI soutenaient l’électeur de Saxe, Frédéric-Auguste, fils d’Auguste II. La Pologne semblait tendre à ce moment à devenir un royaume héréditaire dans la maison de Saxe, sans pour cela cesser d’être électif et par conséquent dépendant de ses voisins. Stanislas Leczinsky fut élu par la diète de Pologne; l’électeur de Saxe fut élu, de son côté, par quelques palatins : une armée autrichienne et une armée russe vinrent soutenir cette élection illégale, et Stanislas Leczinsky, après mille dangers courageusement bravés, fut forcé de quitter la Pologne. Louis XV, irrité de l’affront fait à son beau-père, déclara la guerre à l’Autriche. L’Espagne alors, qui songeait toujours à reprendre en Italie ce qu’elle avait perdu au traité d’Utrecht, et le roi de Sardaigne, qui songeait toujours aussi à obtenir en Italie ce qu’il n’avait pas pu gagner à ce même traité d’Utrecht, l’Espagne et la Sardaigne s’unirent à la France, et alors commença la guerre de 1733.

Cette guerre de 1733 est fort curieuse à étudier par la ressemblance de ses causes avec celles de la guerre actuelle. De plus, elle peut d’autant mieux être proposée à l’imitation qu’elle fut glorieuse, qu’elle fut courte, et que, chose rare dans l’histoire des guerres, elle atteignit à peu près le but qu’elle s’était marqué.

Voyons d’abord le traité conclu entre la Sardaigne et la France, et notons-en quelques points importans. « Il est connu à l’univers, dit le préambule de ce traité du 26 septembre 1733, que la maison d’Autriche abuse depuis longtemps du degré exorbitant de puissance auquel elle est montée, et qu’elle ne cherche qu’à s’agrandir encore aux dépens des autres... Après avoir essayé des voies de douceur et des négociations, les choses sont parvenues à ce point que toute l’Europe doit être justement effrayée d’un pouvoir si énorme et de l’usage que l’empereur en fait, en sorte que c’est le temps où la sagesse des principales puissances demande qu’elles prennent de promptes mesures, en convenant entre elles tant pour