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au-dessus du niveau de la mer, et son effluent ne va rejoindre le golfe qu’après avoir parcouru une distance de 5,085 kilomètres, avec une pente moyenne d’un décimètre par kilomètre. Le ruisseau qui plus tard deviendra le grand Mississipi a seulement 4 mètres de largeur à son origine; mais bientôt après, il reçoit l’effluent du lac Leech ou Sangsue, et commence à prendre son véritable caractère. Pendant la première partie de son cours, il traverse des prairies humides couvertes de riz sauvage, de joncs et d’iris, au milieu desquels se cachent d’innombrables bandes d’oiseaux aquatiques. Plus bas, des rapides de Peckagama aux chutes de Saint-Antoine, le Mississipi passe à travers d’immenses forêts d’ormes, d’étables, de bouleaux et de chênes, et si ce n’était la différence de température, on pourrait se croire dans la Basse-Louisiane, tant les rives du fleuve se ressemblent à 4,000 kilomètres de distance. C’est le seul endroit du Mississipi où vienne encore errer le buffle; mais dans quelques années le pauvre animal pourchassé y deviendra sans doute un mythe comme le puissant mastodonte, le père aux bœufs des Indiens. Les rapides de Peckagama et la chute de Saint-Antoine changent à peine la physionomie du fleuve, et le peu d’écume qu’ils mêlent à ces eaux si tranquilles et si unies s’est bientôt perdue. Puis le fleuve poursuit son cours de méandre en méandre, sous l’ombrage de vastes forêts, tantôt s’épanouissant en lac autour des îles vertes, tantôt venant se heurter à la base des falaises à pic sur lesquelles on peut lire encore, à un kilomètre de distance, les grossiers hiéroglyphes des Algonquins. Il reçoit en passant de nombreuses rivières : à droite le Minnesota, à l’embouchure duquel se trouve la florissante ville de Saint-Paul, le Cèdre, le Turkey, l’Iowa, le Desmoines; à gauche, le Wisconsin, la Sainte-Croix, le Rock et la Rivière des Illinois. Toutes ces eaux grossissent tellement le Mississipi, que, bien avant sa jonction avec le Missouri, il est aussi large qu’il le sera de Saint-Louis jusqu’au golfe du Mexique. Cependant son cours est encore embarrassé de bancs de sable, et sa profondeur est à l’étiage de 120 centimètres au plus. Pendant la saison des eaux basses, le service des bateaux à vapeur est à peu près interrompu. Les prairies basses que l’on rencontre de distance en distance sur les rives du fleuve sont évidemment d’anciens lacs desséchés, et, sous le rapport géologique, ne diffèrent en rien du lac Pépin, que le Mississipi traverse dans la partie supérieure de son cours. Un jour aussi, ce lac sera desséché et transformé en une savane marécageuse; du reste, il est si étroit, qu’il peut être considéré comme une simple expansion du fleuve. Il n’a de nos lacs alpestres ni la profondeur, ni les beaux horizons, ni le reflet des montagnes neigeuses : il n’est qu’une inondation permanente.

A deux ou trois milles en aval de la charmante ville d’Alton s’o-