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rent suit une direction transversale au continent; c’est l’artère du Canada, et pas autre chose.

Si l’étude du relief des terres donne incontestablement le premier rang au Mississipi parmi les fleuves de l’Amérique du Nord, le simple examen de la direction des cours d’eau confirme également l’importance de ce fleuve dans l’économie du continent. Dans cette partie du monde, il y a deux centres de rayonnement, deux points d’où les eaux descendent suivant leur pente pour aller se perdre dans les mers opposées. L’un de ces centres de rayonnement se trouve dans un massif de montagnes, et l’autre dans un renflement graduel et insensible des plaines centrales. Vers le 44e degré de latitude, au milieu des Rocheuses, les sources de la Colombie, du Colorado, du Missouri, principal affluent du Mississipi, jaillissent du sol à peu de distance l’une de l’autre; un peu plus au sud, le Rio-Grande prend également son origine, complétant ainsi la dispersion des eaux autour du massif des Rocheuses. Le centre de rayonnement des fleuves de plaine est situé un peu à l’ouest du Lac-Supérieur, dans cette région à demi inondée où se rencontrent les lacs Rouge, des Bois, Itasca, Leech, et tant d’autres nappes d’eau douce que le moindre soulèvement ferait se déverser dans la mer et qu’une légère dépression transformerait en une vaste mer intérieure. C’est laque se trouvent les sources du Haut-Mississipi, celles du Saint-Laurent et celles de la Rivière-Rouge du Nord, fleuve qui se continue en quelque sorte jusqu’au Mackenzie par ce long enchaînement de lacs et de rivières paresseuses qui s’étend jusqu’à la Mer-Glaciale. Ainsi le Mississipi descend à la fois des deux centres de rayonnement, et les relie l’un à l’autre par son gigantesque développement. Fleuve de montagne par le Missouri, fleuve de plaine par la partie supérieure de son cours, il est essentiellement double : dans son bassin viennent se confondre les eaux venues de tous les points du continent, celles des Rocheuses, des Alleghanys et des grands lacs du nord.

On a longtemps disputé, mais à tort, ce me semble, pour savoir si le nom de Missouri ne reviendrait pas de droit au grand fleuve. Les géographes qui voudraient débaptiser le Mississipi n’ont été frappés que d’un fait d’une importance relativement minime, la distance de la source à l’embouchure exprimée en lieues ou en kilomètres. La géographie n’est pas la géométrie; la longueur du cours, la masse des eaux, sont des faits secondaires, quand il s’agit de classer les fleuves et d’en déterminer la véritable origine. C’est avant tout la direction des bassins, l’inclinaison générale des pentes, la disposition des couches, qu’il faut étudier. À ce point de vue, il est évident que le Bas-Mississipi est la continuation du Haut-Mississipi, et non pas celle du Missouri. Du lac Itasca jusqu’à la mer, le grand fleuve oc-