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en Belgique nous éclaire suffisamment à ce sujet, et la critique locale elle-même est obligée de reconnaître le peu d’originalité des artistes qui copient les vieux maîtres, ou qui exagèrent Rubens en passant par M. Courbet. Tel est, malgré son indulgence, le genre de regrets que manifeste M. Ad. van Soust dans ses études sur les beaux-arts à Bruxelles et à Anvers. Ce qui est surtout plus fâcheux, c’est que rien ne vient contrarier ces tendances. La critique littéraire n’existe point en Belgique, ou du moins, si elle apparaît quelquefois, elle ne possède encore ni cette franchise ni cette autorité légitime qui, dans une littérature nationale, donnent à la critique une importance souvent égale à celle de la production elle-même. Certes ce ne sont point des livres comme celui que vient de publier un professeur, M. Ferdinand Loise, qui donneront à la critique cette autorité si désirable. M. Loise a traité de l’Influence de la Civilisation sur la Poésie en des termes que n’a point ennoblis le contact de si hautes idées. Il s’est contenté d’une maigre exposition historique, dont le seul mérite est un profond respect pour la chronologie. Rien ne ressemble davantage à ces entassemens barbares de dates et de batailles que, sous prétexte d’études historiques, on fait apprendre par cœur dans les collèges. Enfin la conclusion de M. Loise est celle-ci : il attend patiemment le retour de la foi pour renouveler une littérature épuisée. Une aussi grande résignation ne paraît point être du goût de la Belgique, pas plus qu’elle n’est de son devoir ; mais, tout en reconnaissant à la littérature belge le droit d’exister, il faut au moins exiger d’elle qu’elle sache trouver en elle-même sa raison d’être. Sans vouloir rien préjuger de l’avenir, il doit nous être permis de douter que les œuvres présentes justifient une pareille ambition : tout au plus avec le temps arrivera-t-on à composer un ensemble factice. Encore la gloire de cette demi-réussite reviendra-t-elle tout entière à une meilleure intelligence des procédés de l’art, et surtout à une étude mieux raisonnée, à un respect plus réel de la forme et du style ; mais alors n’est-ce point à la langue française qu’il appartiendra justement de revendiquer des droits jusqu’ici méconnus ?

Il serait injuste, dans ce rapide examen d’une situation qui nous touche de si près, de passer sous silence des efforts plus sérieux et d’une autre nature qui à l’heure présente constituent peut-être la véritable importance intellectuelle de la Belgique. Nous voulons parler de la critique philosophique, qui peut dans ce pays prendre un plus libre essor, et qui accomplit en dehors des habitudes françaises une évolution remarquable. Nous n’y sommes pas tout à fait étrangers cependant, puisque notre situation politique sert de cause et de prétexte à quelques-uns de ces travaux ; mais eussent-ils la licence de se produire chez nous, qu’ils ne rencontreraient sans doute pas chez tous les esprits cet amour et cette aptitude pour certaines discussions qui sont particulièrement en faveur au-delà du Rhin. En outre, ce qu’il y a d’important dans ces sortes d’œuvres, ce que nous devons surtout y considérer, c’est le cachet original qu’elles portent avec elles, puisque l’imitation n’y saurait être que du plagiat, et que tout y est dû nécessairement à la pensée individuelle. Les Études sur la Méthode dans les Sciences, publiées par M. J.-B. Annoot, se font remarquer par une concision et une clarté précieuses dans des questions aussi délicates. M. Annoot se