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nant même malgré lui dans la mêlée. Le roi de Sardaigne et son ministre, M. de Cavour, ont montré une réelle habileté politique en faisant résolument leur choix entre ces deux partis. Ils ont pris celui qui enlevait au fanatisme révolutionnaire et donnait au Piémont la direction du mouvement, et qui en revanche fournissait aux autres fractions de l’Italie le cadre précieux d’une organisation politique et militaire éprouvée. Voilà les nécessités générales qui dominaient la situation de l’Italie au moment où les complications actuelles sont nées. Il faut les avoir présentes à l’esprit en feuilletant le volume des correspondances diplomatiques anglaises ; l’on risquerait en effet de les oublier, et l’on perdrait de vite le sens élevé et historique des événemens au milieu des détails qui remplissent ce recueil. La diplomatie s’occupe surtout de la procédure de la politique, elle en dégage et en laisse voir rarement les grandes lignes. Tels étaient les élémens de la situation générale de l’Italie, et il n’est guère nécessaire d’ajouter que le jour où s’élèverait le conflit entre la Sardaigne et l’Autriche, la France ne pouvait éviter d’être engagée elle-même dans le sens de la politique piémontaise. Ces élémens de la situation italienne pouvaient sans doute être abandonnés quelque temps encore à eux-mêmes, sans que la crise dût nécessairement éclater. Nous avons toujours pensé, quant à nous, que la voie la plus sûre, la moins coûteuse, celle qui eût peut-être conjuré les chances redoutables et les inévitables malheurs de la guerre, eût été de poursuivre progressivement le développement des institutions libérales dans les petits états italiens. Pour que cette voie pût être suivie efficacement, il eût été nécessaire, il est vrai, que la France, si l’on nous passe le mot, prêchât elle-même d’exemple, et rentrât résolument dans la pratique de quelques-unes des libertés politiques qu’elle a autrefois possédées. L’opinion alors eût vu peut-être plus clair dans les tendances de la question italienne ; certaines méprises, certaines défiances eussent été impossildes ; la pensée publique ne se fût point égarée, dans certains pays, sur les vraies intentions de la politique française. Le cours des événemens eût paru plus naturel ; les solutions fussent nées peut-être avec plus de solidité de la force des choses ; peut-être aussi l’Autriche, moins brusquée, eût été moins obstinée, et se fût-elle pliée peu à peu aux circonstances. Que l’on raille, si l’on veut, nos scrupuleuses réserves : personne du moins ne niera qu’à la façon dont les choses se sont passées, une certaine action particulière ne s’est pas dissimulée à l’origine de la crise. La Sardaigne y a aidé, et ne s’en est guère cachée-, elle n’a fait en cela qu’obéir aux exigences de sa situation, et la discipline que les populations italiennes ont observée dans les diverses phases du mouvement a prouvé qu’elle avait pris ses mesures au sein même des divers états italiens. La politique sarde savait qu’elle pouvait marcher, et elle est allée de l’avant. On lui a reproché de s’être hâtée par ambition ; mais en tout cas elle s’est mise à l’abri du reproche de duplicité. Depuis les notes adressées par M. de Cavour au congrès de Paris, il n’était permis à personne d’ignorer où elle allait.

Quoi qu’il en soit des responsabilités encourues à l’origine de la crise, l’on suit avec intérêt dans le blue-book le développement gradué des complications. Elles parcourent trois phases. La première commence, dans le recueil parlementaire anglais, à l’incident du 1er janvier, et va jusqu’à la mission