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toute sûreté par le chemin le plus court à Stenay, près de M. Le Prince[1]. Derrière lui avait également disparu, rasée de fond en comble, la citadelle qu’il venait de si bien défendre. En Provence, le fils aîné du duc de Vendôme, le duc de Mercœur, devenu le neveu de Mazarin et nommé gouverneur de la province, venait de contraindre son prédécesseur le duc d’Angoulême, cousin-germain de Condé, à lui céder la place, et celui-ci, n’osant pas courir les aventures de son illustre parent, s’était décidé à accepter l’amnistie[2]. Les villes du Languedoc qui s’étaient soulevées à l’instigation de leur gouverneur, le duc d’Orléans, après l’avoir suivi dans la révolte, l’avaient aussi suivi dans la soumission, et rentraient sous l’autorité légitime. Le comte Du Dognon n’avait pas été des derniers à abandonner celui qu’abandonnait la fortune : au mois de mars 1653, il avait conclu son traité avec Mazarin, et, au prix du bâton de maréchal de France, remis entre les mains du roi ses régimens de cavalerie et d’infanterie, sa flotte et le port de Brouage[3]. Enfin, sur les frontières de la France et des Pays-Bas, les places qu’en se retirant Condé avait occupées étaient successivement reprises par Turenne et par La Ferté-Seneterre. Sans doute nos grandes conquêtes étaient perdues, grâce à la fronde : en Flandre Gravelines et Dunkerque, Casale en Italie, Barcelone et toute la Catalogne en Espagne, naguère achetées par des flots de sang français, nous avaient été enlevées; mais du moins le territoire national était libre, et l’autorité royale, s’affermissant peu à peu, nous promettait de glorieuses revanches. La Guienne seule résistait encore. Mazarin voulut en finir avec ce dernier retranchement de la fronde : il donna l’ordre à Candale, à Vendôme et à d’Estrade d’unir leurs forces et de bloquer étroitement Bordeaux. D’Estrade sortit d’Agen pour se mettre en communication avec ses deux collègues. Candale battit plusieurs fois Balthazar, prit Bergerac, Marmande, et soumit toutes les petites villes de l’entre-deux-mers[4]. Le duc de Vendôme, avec la flotte royale, grossie de celle de Du Dognon, contint au bas de la Gironde, vers la tour de Cordouan, la flotte espagnole, que commandait le marquis de Sainte-Croix, et avec une partie de la sienne poussa les vaisseaux bordelais jusqu’au-dessous des ruines du château Trompette; en sorte que des tours de Bordeaux on voyait de toutes parts la flotte et les

  1. Voyez les divers articles de cette capitulation dans la Gazette pour l’année 1653, p. 580.
  2. Montglat, p. 391-392.
  3. Gazette pour l’année 1653, p. 336, et Montglat, ibid., p. 454-455.
  4. On appelle ainsi tout le beau pays situé entre la Dordogne et la Garonne, entre Libourne et Bordeaux.