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chasse héroïque. Il chargea sept fois à la tête de sa compagnie ; à la septième charge, il n’était plus suivi que de douze hommes : il tomba frappé mortellement d’une balle à la tête.

Pour apprécier à leur valeur ces deux combats de Palestro, le premier enlevant à l’ennemi une position de la plus haute importance, et le second lui interdisant l’espoir de la recouvrer, il faut en voir les résultats immédiats dans les mouvemens des deux armées. Après leur dernière tentative, les Autrichiens commencèrent à la hâte leur retraite sur le Tessin. Le centre de l’armée autrichienne passait le Tessin derrière Vigevano, et se portait entre Rosate et Abbiate-Grasso, à huit kilomètres de Magenta ; la gauche, par Bereguardo et Pavie, filait vers Binasco et Rosate ; la droite, commandée par le général Zobel, quittait Robbio, et, couvrant la retraite, suivait la même route que le centre. Ainsi l’issue des combats de Palestro contraignait les Autrichiens à évacuer les états sardes. Nous ne sommes pas surpris que les Piémontais soient fiers de ce beau fait d’armes, qu’ils nous soient reconnaissans de les avoir laissés en première ligne dans notre mouvement offensif, et de leur avoir permis de recueillir ainsi l’honneur de la première victoire. L’armée française, de son côté, avait profité de la fermeté de ses alliés, qui lui servaient de rideau, pour exécuter sa marche rapide vers la rive gauche du Tessin. Le 4e corps, commandé par le général Niel, était seul chargé de couvrir les communications des deux armées entre l’Agogna et le Tessin, au sud de Novare, d’où il pouvait en même temps menacer Vigevano et la retraite de l’arrière-garde autrichienne. La garde, suivie des 2e et 3e corps, prenait la route de Milan. Ce fut alors que le général Giulay, sans se laisser décourager par l’insuccès de ses précédentes attaques, essaya son grand mouvement sur le flanc de l’armée française, dont il arrêta pendant quelques heures, par une lutte sanglante, les têtes de colonnes à Boffalora et à Magenta.

Nous aurions voulu que des documens assez complets et assez précis nous eussent permis de raconter les glorieux et terribles épisodes de la lutte qui a suivi, et d’expliquer l’ensemble de la bataille de Magenta. L’instruction d’une aussi grande affaire dépasse nos moyens d’information, et nous espérons que l’honneur d’exposer les combinaisons et les chances du combat gigantesque qui nous a livré la Lombardie tentera bientôt quelque plume militaire. Quant à nous, pour le moment, nous ne pouvons que joindre nos applaudissemens à ceux dont la France entière a salué l’héroïsme de notre armée dans cette journée, que gémir sur les pertes cruelles que nous y avons faites et qu’enregistrer les résultats militaires et politiques si apparens qui ont couronné notre victoire. Déjà, dans la presse étrangère surtout, et malgré l’insuffisance des renseignemens positifs, l’on ne s’est pas fait faute d’épiloguer sur le caractère d’une victoire où l’on n’a pris à l’ennemi que trois canons et un drapeau. Sept mille prisonniers valent cependant bien des drapeaux et des canons, sans parler même du nombre contesté d’ennemis tués ou blessés. Mais c’est aux conséquences militaires et politiques, et non aux trophées, que se mesure la valeur des victoires. Sans doute la destruction, la dispersion d’une armée ennemie est l’une des conséquences de cette nature les plus importantes que puisse avoir le gain d’une bataille. Il eût été très heureux pour nous que Magenta eut eu ce résultat : nous ne l’avons point