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participation au gouvernement de la ville. Outre l’élection du défenseur à laquelle il avait une grande part, il concourait à celles des duumvirs, de l’évêque, des agens salariés de la commune, avocats et médecins publics ; il délibérait sur les aliénations de biens communaux, enfin sur les recours à former devant le prince. Les élections municipales et épiscopales, où parfois l’ancienne licence se donnait carrière, souvent troublées par les brigues, la corruption ou la violence, présentaient encore une lointaine image de ces comices jadis si tumultueux de Rome républicaine.

Les curies, dont la constitution énergique et féconde avait fait pendant les trois premiers siècles de l’empire la prospérité du monde romain, tombèrent ensuite dans un déplorable état de faiblesse, de misère et de tyrannie. La commune étant la base sur laquelle sont assises ces superpositions artificielles qu’on appelle gouvernemens politiques, elle souffre la première de leurs malheurs ou de leurs fautes. Or, lorsqu’un gouvernement menacé par une conquête étrangère a pour mission (et ce fut celle du gouvernement romain), non-seulement de défendre sa forme politique, mais de protéger une grande société en péril et la civilisation elle-même ; quand ce gouvernement se trouve assailli sur tous les points à la fois, au nord, au midi, à l’est et jusque sur la mer par des ennemis sans cesse renaissans, et que cette guerre du monde barbare contre le monde civilisé, faite sous son drapeau, se prolonge sans interruption pendant deux siècles, alors les ressorts administratifs, usés lentement, ont perdu toute vigueur, et la société s’affaisse sur elle-même.

Si l’énergie des institutions municipales avait fait dans les temps prospères la grandeur de la société romaine, par une conséquence logique, elle précipita sa ruine dans les temps malheureux. Cette même force, cette même violence d’action qui servait d’abord à féconder, aida plus tard à détruire. Le dévouement au municipe, la subordination complète de l’intérêt individuel à l’intérêt communal, et de l’individu à la cité, furent des principes empruntés à l’ancienne république, et qui se retranchèrent dans ces petites démocraties quand la grande cessa d’exister. La maxime appliquée aux organisations communales : salvam esse rempublicam oportet, produisit l’obligation des fonctions curiales et celles des magistratures : on fut membre du corps de sa cité, magistrat, avocat, médecin public, comme on était tributaire et soldat de l’empire ; on dut à la patrie locale son temps, ses talens, son crédit, l’éclat de son nom et de sa fortune, comme à l’état son argent et son sang. Ce ne fut pas tout : une responsabilité réelle et personnelle pesa sur des magistrats qui pouvaient l’être malgré eux ; leurs personnes et leurs