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de son aïeul. Les parens du nouveau-né, par un jeu d’esprit assez bizarre, avaient ajouté au nom patronymique de Romulus le surnom d’Augustus, comme pour réunir sur la tête de cet enfant le double souvenir du fondateur de Rome et du premier de ses empereurs. Ce rapprochement puéril passa plus tard pour une prophétie. Suivant l’usage romain, le jeune fils d’Oreste fut désigné par son surnom d’Augustus, et plus familièrement par le diminutif Augustulus, qui signifiait le petit Augustus. Il grandit près de son père, au milieu des soldats, et comme il était gracieux et beau (l’histoire a pris soin de nous le dire), il devint l’idole de l’armée qu’Oreste commandait. Un jour donc, c’était le 29 octobre, l’interrègne se prolongeant trop au gré de tout le monde, une troupe, envoyée on ne sait par qui, envahit la demeure du patrice, s’empara de l’enfant, le plaça sur un bouclier, et, après l’avoir affublé d’un manteau de pourpre emprunté à la garde-robe des césars, et trop grand pour sa taille, elle le promena de rue en rue, proclamant Romulus Augustus empereur de la Romanie occidentale, aux applaudissemens du peuple et de l’armée. C’est ainsi du moins que nous pouvons nous figurer l’élévation du fils d’Oreste, en rapprochant les divers détails transmis jusqu’à nous.

Arrivé par la ruse au but qu’il désirait, l’aventurier pannonien se crut bien plus sûr du pouvoir impérial que s’il l’avait possédé lui-même, car il restait patrice et généralissime de son fils. Or, l’intérêt du patrice et celui de l’empereur étant exactement les mêmes et se protégeant l’un par l’autre, rien ne pourrait les ébranler : voilà ce que se disait Oreste, tandis que d’un autre côté l’Italie et le sénat voyaient dans cette combinaison un gage de stabilité. Oreste était estimé des sénateurs, et généralement on s’accordait à reconnaître en lui une capacité applicable à beaucoup de choses. Il prit en main, comme tuteur de son fils, les rênes de l’administration publique. Le petit Auguste, ainsi qu’on continua de l’appeler, ceux-ci par moquerie, ceux-là parce que c’était son surnom de famille[1], fut confié à la direction d’un prêtre italien nommé Pirménius,

  1. Son nom dans les médailles est Romulus Augustus. V. Eckel et Mionnet. D. N, ROMULUS AUGUSTUS. P. AUG. OU P. F. AUG., au revers : Salus Reipublicœ. On voit que dans cette légende Augustus figure deux fois, une fois comme nom propre et l’autre comme titre. — Procope explique ainsi l’origine du surnom d’Augustule : « Occidentis in partibus regnubat Augustus, quem minuente vocabulo Augustulum vulgus appellabat, quia puer ad imperium pervenerat. » Hist. Goth., 1. Les Grecs le nomment tantôt Augustus, Malch., Ewcerpt., 3, tantôt Augustulus, Candid., Hist., 4, tantôt Romulus, cognomento Augustulus, Evagr., Hist. eccl., II, 16. — Theopban., p. 111. — Les écrivains latins se servent généralement du sobriquet d’Augustulus. Tout fait présumer que le fils d’Oreste, avant son élévation au trône impérial, portait déjà son surnom d’Augustule dans l’intimité de la famille ; quand il fut empereur, on le lui donna par dérision.