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trop souvent inefficaces, et presque partout le défrichement continua ses progrès. Effectué sur une étendue plus considérable que celle qu’on pouvait cultiver avec fruit, il eut pour résultat de dénuder des terrains qui furent abandonnés au pâturage, ou pour jamais voués à la stérilité. Telle est l’origine des sept millions d’hectares de friches et terrains vagues qui sont encore aujourd’hui la honte de la France agricole.

Si, après avoir esquissé en quelques lignes le rôle des forêts dans les premiers jours de l’humanité, nous cherchons à nous rendre compte de celui qu’elles remplissent actuellement, nous voyons que, dans leurs rapports avec l’agriculture, il présente un double caractère : résultat d’un côté de l’action qu’elles exercent au point de vue climatologique, de l’autre des produits directs et matériels qu’elles fournissent. Du premier point dépendent les effets de leur influence sur le régime des eaux, sur la température, sur les courans atmosphériques et sur la salubrité publique. L’action des forêts sur le régime des eaux a été pour nous l’objet d’une première étude[1]. Il a été aisé de prouver que la présence des bois a, dans certaines conditions, pour effet de conserver les sources, de régulariser les cours d’eau, d’entraver la formation des torrens, et, le cas échéant, d’empêcher les inondations, ou tout au moins d’en diminuer les ravages. Nous avons montré quelle importance aurait pour nos départemens méridionaux le reboisement des montagnes qui les sillonnent, comment cette opération, tout en mettant en valeur des garigues improductives, favoriserait les irrigations, contribuerait au développement si désirable de la race bovine, et unirait, en facilitant la substitution de la stabulation au pâturage, par modifier complètement l’économie rurale de ces contrées. Nous ne reviendrons pas sur des faits déjà cités, et c’est en nous appuyant sur de nouveaux exemples que nous essaierons de montrer par combien de points les forêts intéressent l’économie agricole.

Il est constant d’abord que les forêts arrêtent les courans atmosphériques et en diminuent la violence. Elles agissent dans ce cas comme abri, et contribuent souvent à conserver à l’agriculture des terrains immenses, qui, sans elles, eussent été envahis par les sables, stérilisés par les vents de la mer, ou rendus improductifs par le souffle glacé du nord. Ce sont des plantations de pins maritimes qui seules ont pu fixer les dunes de Gascogne, arrêter un envahissement que tous les efforts avaient été impuissans à prévenir, et empêcher nos deux départemens des Landes et de la Gironde d’être un jour engloutis sous les flots de sable de cette marée toujours

  1. Voyez la livraison du 1er février dernier, le Reboisement et le Régime des Eaux en France.