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les règnes est beaucoup moins absolue qu’on ne serait de prime-abord tenté de l’admettre. Les anthéridies, qui peuplent les cellules du chara, plante acotylédonée, nous présentent un mouvement pareil à celui des infusoires. Ces corpuscules affectent la forme de filamens roulés sur eux-mêmes, qui se développent souvent en une ligne courbe ou onduleuse, à la façon des animaux microscopiques. Les sporanges[1] de quelques algues sont douées, à une certaine époque de leur existence qui suit immédiatement leur sortie de l’utricule-mère, de mouvemens analogues qui s’effectuent à l’aide de cils vibratoires s’agitant dans l’eau en manière de nageoires. Cette faculté de locomotion n’est que passagère ; bientôt le mouvement s’arrête ; la spore passe en quelque sorte de la vie animale à la végétale, et c’est alors qu’elle peut commencer à germer. Un autre fait qui vient à l’appui du caractère animal de ces corps reproducteurs, c’est qu’ils présentent une composition chimique quaternaire tout à fait semblable à celle des matières d’origine animale, et cette même composition s’observe dans la favilla, amas de petits corpuscules granuleux nageant dans un liquide que renferme le pollen ou poussière fécondante des végétaux.

Si donc on observe la vie végétale au moment de son apparition, on constate des phénomènes analogues à ceux de la vie animale.

Les différens ordres d’animaux ne sont pas mieux tranchés que ceux du règne végétal. Il y a des mammifères qui se rapprochent des poissons, comme les cétacés, et d’autres des oiseaux, comme les ornithorhynques ; il y a des reptiles qui tiennent des poissons, tels que les lépidosirens. Les têtards ou petits des batraciens ont des branchies comme les poissons, et chez quelques reptiles de cette classe, tels que les axolotls, ces branchies persistent après que l’animal a atteint l’âge adulte. Les mollusques bryozoaires tiennent des zoophytes, et les cirrhipèdes présentent à la fois de grands rapports avec les mollusques et les crustacés. Enfin les éponges se rapprochent tellement des plantes marines, que l’on a été longtemps dans l’incertitude sur leur nature animale. Natura non facit saltus, a dit le grand Linné. Tout se lie dans la succession des êtres, et si l’on admet la possibilité d’une transformation d’une espèce en une autre, il n’y a pas d’impossibilité radicale à ce qu’un animal, tel qu’un mollusque par exemple, soit sorti, dans certaines conditions, d’un zoophyte.

Les substances organisées à l’aide desquelles la vie s’entretient chez les plantes et les animaux peuvent-elles sortir de la simple combinaison, dans des conditions données, de corps simples ? Jadis on admettait une séparation profonde entre ces substances, telles que la gomme, le sucre, l’amidon, le ligneux, la fibrine, l’albumine

  1. Capsules membraneuses qui renferment les organes reproducteurs de certains végétaux acotylédones.