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sont produites, telle espèce a pu avoir un ou plusieurs ancêtres, suivant que les causes qui ont déterminé la formation du premier individu ou du premier couple ont agi dans un ou plusieurs endroits.

Tout annonce que l’humanité n’est apparue que fort tard sur la terre ; on se dispute encore sur l’homme fossile, et l’on connaît le savant exposé que M. Littré a donné de la question[1]. Nous n’entrerons pas dans le débat ; il nous suffit de constater que les ossemens humains tenus par un certain nombre de personnes comme fossiles n’appartiennent qu’à la dernière époque. Peu importe ici de savoir s’ils datent de 6,000, de 8,000 ou de 20,000 ans, ou même davantage. L’homme est un des derniers venus de la création : donc les conditions propres à son existence ne se sont produites qu’après un très grand nombre de révolutions ; autrement il eût fait son apparition aux époques des terrains jurassiques, de la craie, des premiers âges tertiaires. Si ces conditions de l’humaine existence ne se sont d’abord rencontrées qu’en un seul point du globe, si la terre ne compta dans le principe qu’une région où l’homme trouvait une température convenable, une nourriture facile, des moyens de subsistance qui ne réclamaient aucun grand développement social et industriel, la famille humaine n’a pu avoir qu’un berceau. Si les conditions biologiques qui ont permis à notre organisme de naître et de se reproduire ne se sont rencontrées qu’en un lieu et à un moment, il n’y a eu qu’un couple primitif.

Peut-être les recherches dés ethnologistes et l’étude comparative des ossemens humains accumulés dans les cavernes et les alluvions éclaireront-elles cette question, plus importante pour l’histoire de nos destinées que pour la géologie proprement dite. L’unité de l’espèce humaine milite en faveur d’un centre unique ; mais quelle a été l’étendue de ce berceau primitif, sur lequel un savant philologue, M. Obry, a récemment publié un livre plein d’intérêt[2] ? C’est là un problème de géographie primordiale qu’il n’est pas aisé de résoudre. Les choses se comportent comme si notre espèce était issue d’un couple unique ; mais rien ne démontre dans la science qu’il en ait été ainsi, et le point du globe où l’humanité fit son apparition a pu être habité par plusieurs individus, sans que les hommes cessent pour cela d’être frères, leurs premiers parens ayant en réalité appartenu à la même famille. Nous sommes des êtres faits pour vivre en société, et l’on ne saurait concevoir l’homme existant seul, et n’échangeant avec ses semblables ni paroles ni services.

  1. Dans la Revue du 1er mars 1858.
  2. Du Berceau de l’espèce humaine selon les Indiens, les Perses et les Hébreux ; 1858.