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les choses humaines. L’auteur ne fulmine pas contre les dissidens au nom de l’anglicanisme, et il semble avoir en partie créé le caractère de Dinah Morris pour prouver qu’une pieuse méthodiste pouvait être, quoique hétérodoxe, un instrument de salut et une source de consolation pour les âmes qui l’approchaient. Il ne paraît pas avoir un goût bien vif pour le prosélytisme, ni pour les clergy-men trop zélés qui pratiquent ce qu’on peut appeler la religion offensive ; il préfère les ministres partisans de la religion défensive, qui conseillent leurs paroissiens et ne les damnent pas, qui laissent en paix leurs ouailles dans le bonheur et les assistent dans le malheur. Il y a un ministre dans le roman, le respectable M. Irwine, pour lequel l’auteur a une prédilection particulière, et qui résume certainement la plus grande partie de ses idées sur les devoirs d’un clergyman. Eh bien ! M. Irwine n’est ni un homme zélé pour la religion ni un homme d’un grande charité. Toutes ses vertus sont fort médiocres : il n’aime pas plus à être dérangé qu’à déranger les autres, et, pour tout dire, il a une pointe d’égoïsme très marquée ; mais s’il n’a pas les vertus réformatrices, il a les vertus conservatrices de la société, celles qui font supporter ses abus et qui les rendent tolérables. C’est en effet une question de savoir quel est celui qui remplit le mieux son devoir dans ce-monde, de celui qui nous apprend à haïr les maux dont nous souffrons, ou de celui qui nous aide à les supporter gaiement. Par sa prédilection pour M. Irwine, l’auteur se déclare le partisan des vieux anglicans, qui portaient dans la religion plus de bonhomie que de zèle. L’ardeur religieuse est en effet de date récente dans l’anglicanisme, et jusqu’à nos jours les ministres de l’église établie l’avaient volontiers laissée aux prédicateurs dissidens ; ce n’est que de notre temps que les caractères ardens, tourmentés, zélés, fanatiques, ont fait leur apparition au sein de ce très sociable clergé. Les pensées de l’auteur sont trop remarquables à cet égard pour que nous nous dispensions de transcrire quelques-uns des traits du caractère de M. Irwine, qui donneront au lecteur une idée de cette modération pieuse qui ressemble à première vue à une quasi-tiédeur et de ce que j’appellerai le réalisme religieux, de M. Elliott.


« Je reviens à M. Irwine, car je désire que vous vous sentiez pour lui une parfaite bienveillance, si loin qu’il soit de satisfaire vos exigences relativement au caractère ecclésiastique. Peut-être pensez-vous qu’il n’était pas, comme il aurait dû l’être, une vivante démonstration des bienfaits attachés à une église nationale ? Cependant, je ne suis pas très sûr de cela ; je sais au moins avec certitude que les gens de Bromton et d’Hayslope auraient été très chagrinés d’être séparés de leur ministre, et qu’à son approche bien des figures s’épanouissaient. Jusqu’à ce qu’il me soit prouvé que la haine est