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bruyantes et animées avant qu’elle ait commencé son sermon ! Comme l’ironie vole lourdement sur toutes ces lèvres épaisses ! Quelle curiosité railleuse dans tous ces yeux rustiques si bien décrits par l’auteur, slow bovine eyes ! Mais peu à peu le bruit cesse, un silence religieux s’établit, la curiosité fait place à l’émotion, un frémissement ébranle ces nerfs d’airain, des larmes coulent et des sanglots éclatent. Ces âmes ont été purifiées, renouvelées, entraînées pour un instant dans une sphère qui leur semblait inaccessible, et l’éloquence de Dinah va crescendo, comme un doux tonnerre roulant après lui un orage d’émotions religieuses et de larmes de repentir. Prêtez l’oreille à cette éloquence naïve, et dites-moi si, pour venir d’une pauvre fille hérétique et d’une âme que vous jugez en péril pour son hétérodoxie, elle ne vaut pas l’éloquence de vos prédicateurs à la mode.


« Mais peut-être des doutes viennent dans votre esprit, celui-ci par exemple : Dieu peut-il se soucier de nous, pauvres gens ? Peut-être, après tout, n’a-t-il fait le monde que pour les grands, les sages et les riches. Cela ne lui coûte pas beaucoup de nous donner notre petite bouchée de nourriture et notre petite loque de vêtement. Mais savons-nous s’il se soucie plus de nous que nous nous soucions des vers et des insectes de nos jardins, lorsque nous sarclons nos carottes et nos ognons ? Dieu prendra-t-il soin de nous quand nous mourrons ? Nous donne-t-il quelque secours lorsque nous sommes infirmes, malades et désespérés ? Peut-être aussi est-il en colère contre nous. Si cela n’était pas, d’où viendraient les gelées du printemps, et les mauvaises moissons, et la fièvre, et toute sorte d’autres souffrances et de tourmens ? car notre vie est pleine de trouble, et si Dieu nous envoie le bien, il nous envoie le mal aussi. D’où cela vient-il, et qu’est-ce que cela veut dire ?

« Ah ! chers amis, nous sommes tristement en grand besoin des bonnes nouvelles de Dieu ; si nous n’avons pas celles-là, quelle importance peuvent avoir toutes les bonnes nouvelles de ce monde ? car tout a une fin, et lorsque nous mourons, nous laissons tout derrière nous. Que deviendrons-nous si Dieu n’est pas notre ami ? »

« Puis Dinah raconta comment la bonne nouvelle avait été apportée, comment la bonté de Dieu pour les pauvres s’était manifestée dans la vie de Jésus, insistant surtout sur l’humilité et les actes de compassion du Sauveur.

« Ainsi vous le voyez, mes chers amis, continua-t-elle, Jésus employa presque tout son temps à faire du bien aux pauvres gens ; il les prêchait à ciel ouvert, il se faisait l’ami des pauvres ouvriers, il les instruisait et partageait leurs peines. Ce n’est pas qu’il ne fît aussi du bien aux riches, car il était plein d’amour pour tous les hommes ; seulement il voyait que les pauvres avaient davantage besoin de son appui : aussi il guérissait les boiteux, les malades et les aveugles, et il faisait des miracles pour nourrir les affamés, parce que, disait-il, il avait pitié d’eux, et il était plein de tendresse pour les petits enfans, et il consolait ceux qui avaient perdu leurs amis, et il parlait