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du Macrinoros[1], et d’employer toutes ses forces à la délivrance de Kiapha. » Malheureusement les moyens que Botzaris et le président avaient à leur disposition ne répondaient point à un si grand dessein ; leurs troupes atteignaient à peine le chiffre de trois mille hommes. Ils s’avancèrent néanmoins sur Arta, dont la garnison était à elle seule quatre fois supérieure en nombre. Le président et les philhellènes reconnurent la nécessité de s’emparer de cette ville avant de chercher à pénétrer dans la montagne de Souli, afin de se créer une place forte dans la plaine et une communication sûre avec le reste de la Grèce ; ils ne faisaient là que reprendre le projet conçu par Botzaris quelques mois auparavant. Vers le milieu de juin 1822, les Grecs s’établissaient sur les hauteurs de Comboti, à deux heures environ de la capitale de l’Amphilochie, et bientôt les philhellènes, impatiens de se signaler aux yeux de ceux dont ils avaient embrassé la cause, s’avançaient jusqu’aux environs du bourg de Péta, afin de couper toute communication entre les défenseurs d’Arta et les troupes musulmanes occupées au siège de Souli.

Réduits aux abois depuis plusieurs semaines, refoulés dans les derniers escarpemens des rochers par la multitude toujours croissante de l’ennemi, dépourvus de vivres, les Souliotes envoyaient courriers sur courriers au quartier-général de Comboti pour demander un secours immédiat. À ces nouvelles, Botzaris et Mavrocordato convoquèrent un conseil qui se réunit pendant la nuit, en plein air, sur le bord du petit fleuve Potimi. À côté des officiers étrangers, on y voyait figurer des prêtres à barbe blanche, un petit nombre de Souliotes couverts de leur cape de poil de chèvre, au geste véhément, au regard audacieux, à la mine martiale, rendue plus expressive encore par leur habitude de se raser les tempes et le haut du front ; des montagnards du Pinde, à la ceinture garnie de pistolets et de gibernes de vermeil ; enfin plusieurs chefs d’Albanais auxiliaires, qui écoutaient gravement la discussion, les uns debout et le menton appuyé sur le canon de leur carabine, les autres assis sur leurs talons et fumant impassiblement des pipes longues de trois pieds. Il fut résolu que Botzaris partirait avec cinq cents hommes pour tâcher de pénétrer dans la montagne, tandis que les philhellènes, soutenus par les Albanais, opéreraient en sa faveur une diversion puissante sur le bourg de Péta. Botzaris se mit en route le lendemain matin, franchit la rivière d’Arta à deux milles au-dessus de la ville, et se tint caché dans les bois, attendant la nuit pour essayer de passer à travers les Turcs. À plusieurs reprises, sa petite

  1. Chaîne de montagnes qui borne à l’est les plaines de l’Amphilochie et de la Paracheloïde.